Une dizaine de nouveaux titres publiés par Cent Mille Milliards en 2024. Quel bilan de cette production littéraire ?
C’est ça, une dizaine de titres et étrange, pour la première fois, ce n’est que de la fiction. J’ai été agréablement surpris aussi parce que c’est de la fiction qui pose les bonnes questions. Elle décrit bien l’année 2024 qui a été quand même une année incroyablement bouleversée et bouleversante. Les titres publiés par Cent Mille Milliards en 2024 illustrent parfaitement notre ligne éditoriale. Regardons les titres que nous avons publiés : Rien qu’une absence, La probabilité du réel, L’extravagant, L’indicible de la nuit, Prêt à tout, Schizoquelquechose, Évidences et certitudes, Associations libres…
Ce que je trouve génial, c’est que la qualité et la diversité sont là. Nous avons publié du théâtre, de la poésie, des nouvelles. Ces genres sont peu plébiscités par le public mais nous les avons fait quand même parce que nous pensons que les textes sont bons et que nous avons la responsabilité de les rendre disponibles à leur public. Nous avons publié aussi un premier roman, Prêt à tout ; Stanislas Tain est un jeune auteur talentueux. Nous avons avancé dans deux trilogies. Pour Le désordre des choses, celle de Jean-Pierre Zorio-Prachinet, nous avons sorti le deuxième volume Rien qu’une absence ; le troisième est programmé pour le premier semestre 2025. Nous avons également L’indicible de la nuit, le deuxième volume de Jacques Fabrizi sur son histoire familiale d’immigrés italiens. Et Peter Kassovitz nous a filé deux textes absolument incroyables : La probabilité du réel, un polar singulier, et un bon roman, Associations libres sur une histoire d’amour compliquée. Sans oublier La galeriste de Thessalonique de Christine Robion et De fer et d’écume de Philippe Metzger, primé par l’Acoram.
Dix titres, c’est un peu moins qu’en 2023. C’est volontaire ?
Oui parce que nous avions pas mal d’autres projets dans les cartons, plein de boulot à faire. C’est intéressant ce truc sur la quantité, parce que c’est un vrai sujet aujourd’hui dans l’édition. Chez Cent Mille Milliards, nous imprimons à la demande. Donc, de toute façon, nous n’inondons pas le marché d’exemplaires qui ne seront pas vendus, stockés pendant plus de dix ans ou détruits. Les libraires ne croulent pas sous nos livres…
D’autres projets dans les cartons… effectivement, en 2024, Cent Mille Milliards a mis un pied dans l’audiovisuel…
Alors ça, c’est un fantasme absolu !! Mettre un pied dans l’audiovisuel pour tous les éditeurs, c’est toujours un peu un rêve. Il y a une proximité très séduisante et fascinante entre le travail de l’écrivain et celui du scénariste, le travail de l’éditeur et celui du producteur. Chez Cent Mille Milliards, nous avons toujours eu cette ambition de traiter tous les modes de narration. Le cinéma, l’audiovisuel en est un. Nous avons donc fait une petite série de courtes vidéos pour promouvoir la lecture, nos auteurs et leurs productions. Six vidéos pour six titres publiés.
C’est un projet ambitieux !
Avec Un banc, un livre, nous avons fait un vrai travail avec une équipe de professionnels, des comédiens et des comédiennes professionnels. On ne se contente pas de faire une lecture vite fait… Nous avons choisi des sons, une belle voix, une belle présence pour mettre en valeur le texte. C’est plein écran, en noir et blanc. Notre objectif était d’avoir une image qui se démarque par rapport au flot actuel des vidéos qui sont diffusées. Nous voulions montrer que les éditeurs indépendants ont la capacité de faire ça.
Nous avons produit six vidéos et, pour ça, nous avons créé une société de production qui s’appelle Dix puissance quatorze. Mais il faudrait faire d’autres vidéos. Et puis surtout que d’autres éditeurs se joignent à nous pour faire la même chose avec leurs titres et créer une chaîne Youtube. Nous voulons toucher le public désireux d’avoir d’autres approches de la littérature, d’autres lectures que celles qu’on leur propose dans les médias traditionnels.
Autre temps fort de l’année 2024, le nouveau site web…
Nous l’avons imaginé dans le prolongement du précédent site notamment en gardant les mêmes couleurs. Mais il est beaucoup plus accessible, plus ergonomique, plus efficace. C’est important parce qu’il est notre librairie en ligne, l’espace où le public a accès à tous nos titres. Nous avons intégré beaucoup plus d’informations sur les titres, sur les auteurs et un blog complet. Nous y présentons plus précisément notre ambition, nos valeurs, l’impression à la demande… Finalement, je trouve qu’il y a une sorte de maturité qui s’exprime dans ce nouveau site !!
Et puis, il y a eu d’autres changements un peu moins visibles pour le grand public…
Oui, d’autres chantiers nous ont occupés au cours de l’année écoulée. Nous avons quitté Paris pour nous installer dans le Poitou. Pourquoi avoir fait ça ? Parce que je pense que c’est dans les régions que ça bouge, que les vraies collaborations se mettent en place, que l’envie de changer les choses est plus forte.
Nous avons aussi beaucoup travaillé à mettre au point un système pour mieux suivre nos ventes et ainsi mieux accompagner les libraires et nos partenaires. Comme nous imprimons à la demande, nous savons tout de nos ventes quasiment en temps réel et nous avons beaucoup de données. Le nouveau système devrait nous rendre plus performants et plus agiles.
Beaucoup de changements donc en 2024. Est-ce qu’ils sont dans la continuité des objectifs fixés lors de la création de la maison d’édition en 2013 ?
Justement nous nous rapprochons de nos objectifs avec tout ça. Nous avons maintenant une plus grande lisibilité de nos collections. Grâce aux nouvelles identités graphiques des collections Poésie, Théâtre et Monochrome pour les courts essais, elles sont mieux identifiées et apportent plus de clarté sur notre ligne éditoriale.
C’est important parce que nous sommes aussi exigeants dans nos choix. Or le public n’en a pas toujours conscience. Le fait d’avoir clairement défini l’identité de nos collections met en lumière notre approche de l’édition. Nous ne nous limitons pas à un seul sujet, un seul thème, un seul type de texte, un seul genre…
Justement peux-tu rappeler l’esprit qui guide la ligne éditoriale ?
Nous publions des textes qui accompagnent notre époque dans ses bouleversements. Alors, c’est un peu facile de dire ça parce que c’est très vaste… Par exemple, nous avons Osmond d’Avesnes, chevalier normand, un texte qui se passe au Moyen Âge, au XIIᵉ siècle ; on ne voit pas très bien ce que ça vient faire ici ! Mais tous les sujets traités dans ce roman sont hyper contemporains : le viol, la religion, la guerre, le patriarcat, la liberté… Ces sujets-là sont fondamentaux et intemporels. Ils doivent être pris très au sérieux sous peine de virer à la dictature et au malheur humain. Le prisme historique apporte des éléments de compréhension de ces sujets.
Et donc tous nos textes ont cette exigence de donner des clés de compréhension pour mieux appréhender les bouleversements technologique et humain que nous vivons. Et c’est une bonne nouvelle parce que nous allons vers un monde meilleur. Je trouve que publier des textes qui le disent et le montrent, c’est rassurant pour les lectrices et les lecteurs. Et cela aussi bien dans les romans que dans le théâtre, dans la poésie ou dans les essais. Même si beaucoup croient que c’est plus simple, il n’y a aucune raison de nous limiter. Plus le monde se complexifie, plus la pensée doit être ouverte et curieuse de tout.
C’est peut-être plus compliqué, plus difficile, mais c’est tellement plus enthousiasmant d’avoir cette curiosité, cette ouverture d’esprit.
Va-t-on avoir le même enthousiasme en 2025 ?
Oui, 2025 va être très chouette !! Nous allons clore les trilogies Les temps criminels de Bernard Pellegrin et Le désordre des choses de Jean-Pierre Zorio-Prachinet. Nous allons continuer à publier du théâtre et de la poésie. Et surtout, nous allons enfin mettre un pied dans la littérature jeunesse. Mais je n’en dis pas plus pour le moment.
Et puis, nous allons profiter d’une évolution majeure chez Hachette : ils ont ouvert les robinets à l’international ! C’est-à-dire que maintenant si un de nos livres est commandé au Canada, il est imprimé au Canada. C’est une véritable révolution au niveau écologique. L’intérêt de l’impression à la demande est démultiplié ! Non seulement nous n’imprimons que pour répondre à une commande mais, en plus, nous imprimons au plus près du consommateur. C’est assez excitant. Et ça tombe bien, nous lançons, en partenariat avec Joerg Lehmann, un photographe de talent basé à Berlin, une collection de livres de photos. Ils sont liés à des expositions un peu partout dans le monde : Tokyo, Berlin, Mirepoix (en France), Vienne…
Notre objectif est que, pour chaque exposition, les livres soient imprimés directement sur place. Pour revenir à la collection The innocent eye, ce sont des livres de photos avec des thématiques grand public, accessibles, pas chers. Le principe est que ce sont des photos trouvées. Le premier est intitulé Amours…
Dans les bonnes nouvelles de ce début d’année, j’ai aussi envie de mentionner la pièce de théâtre Le journal d’Antoine Beauquier que nous avons publiée en 2019 qui va être jouée au Théâtre de Paris à partir du 22 janvier. Le titre est maintenant en coédition avec L’avant-scène Théâtre. Tout ça est assez réjouissant pour moi !
Une dernière question : que peut-on souhaiter à Cent Mille Milliards pour 2025 ?
Un best seller !! Non, sérieusement, j’ai envie de dire : beaucoup de bonnes surprises comme des beaux manuscrits. Et pour les auteurs, une vraie reconnaissance de leur travail par leurs pairs, le public et les médias.