#manifeste

Manifeste : Proclamation destinée à attirer l’attention du public, à l’alerter sur quelque chose. (1)

Les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie ont remis, dimanche 2 avril 2023, leur rapport final. À l’issue de 9 sessions de travail et 27 jours de débat, la Convention citoyenne a présenté ses conclusions et adopté son rapport final. Organisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la convention citoyenne a rassemblé 184 citoyennes et citoyens tirés au sort illustrant la diversité de la société française, pour répondre à la question de la Première ministre : « Le cadre d’accompagnement de fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ».

Dans une tribune publiée dans le FigaroVox, le 3 avril 2023, le député du Bas-Rhin, Patrick Hetzel, vice-président du groupe « Les Républicains » à l’Assemblée nationale, dénonçait un débat biaisé. « Oscillant entre amateurisme et manipulation, cette procédure a rapidement perdu de sa crédibilité. D’emblée, la question posée était un cas d’école de malhonnêteté intellectuelle, pour un exercice qui prétendait être un modèle de démocratie participative. Vision bien totalitaire de la norme juridique, comme si une loi par définition générale avait vocation à embrasser toutes les situations singulières de la fin de vie. » (2)

Les médias ont insisté sur le fait que la convention citoyenne sur la fin de vie, dans son rapport final, appelle à repenser le cadre d’accompagnement de la fin de vie  et se positionne, en majorité, pour une ouverture de « l’aide active à mourir » sous conditions. « Nous avons abordé la question de l’aide active à mourir (suicide assisté et euthanasie) dans ses dimensions éthiques, médicales, philosophiques et spirituelles. Après en avoir largement débattu, la majorité de la Convention s’est prononcée en faveur d’une ouverture à l’aide active à mourir. Notre travail révèle un nuancier d’opinions construit à partir de nos vécus et de nos convictions. Nous vous invitons à vous en saisir pour en cerner toute la complexité. » (3)

« Il y a manifestement un esprit d’ouverture », a relevé le porte-parole du gouvernement au vu du vote, dimanche 19 février 2023, de l’assemblée des 183 citoyens qui se sont prononcés à 75 % pour l’ouverture à la possibilité légale de « l’aide active à mourir ». En clair, pour la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie. Pourtant, derrière une « ouverture » nette à première vue se cachent de nombreux doutes. […] Sur 167 votants le 19 février, 72 % se sont prononcés pour l’ouverture à l’accès au suicide assisté et 66 % pour l’euthanasie. « Même s’il est malhonnête de nous demander de nous prononcer sur les limites de la loi Claeys-Leonetti de 2016 puisqu’elle n’est pas pleinement appliquée, observe Dominique F., un conventionnel, ce n’est pas une raison pour ne pas reconnaître qu’elle ne répond pas à toutes les situations de fin de vie. » Une position majoritaire qui n’empêche pas les minoritaires de s’exprimer. « Je ne nie pas qu’il existe des cas de douleurs réfractaires [qu’aucun traitement ne permet de soulager], confie Soline C. Je sais que la médecine ne peut pas tout. Mais l’ouverture à l’aide active à mourir est ingérable, dit cette conventionnelle, car on n’aura jamais les garanties du caractère éclairé de la décision de la personne qui la demande. S’ils refusent de se montrer ouvertement critiques « de peur de nuire à la légitimité du travail engagé », plusieurs conventionnels regrettent de ne pas avoir pu « approfondir, détailler plus abondamment les propositions de la convention avant de voter », le 19 février, sur les onze questions qui concernaient « l’aide active à mourir ». Certains vont jusqu’à remettre en cause la possibilité d’avoir organisé ces votes dès lors que les travaux de la convention sur « les garde-fous » de la mise en œuvre de l’euthanasie ou du suicide assisté n’[étaient] pas terminés ni validés par « les citoyens ». (4)

Le député du Bas-Rhin, Patrick Hetzel, émet également « des doutes sérieux sur la méthodologie et la procédure qui ont aussi conduit une partie des conventionnels à saisir le président du CESE : formulation fermée des questions, temps imparti très court pour répondre aux questions (quinze secondes à la huitième session), dysfonctionnement des votes sur des questions essentielles, organisation de votes de tendances en présence de la presse sans quorum, avant même que les participants ne se soient prononcés sur l’encadrement de l’euthanasie et du suicide assisté. Il poursuit en précisant que « Si l’investissement et l’assiduité des participants méritent d’être salués, le cortège des preuves de leur manipulation est long : opacité sur les critères de choix des orateurs, exclusion d’ouvrages hostiles à la légalisation de l’euthanasie dans la bibliographie à disposition des conventionnels, interventions de promoteurs des systèmes belge et suisse dès le début de la procédure, absence de débat contradictoire avec les promoteurs des législations étrangères de légalisation de l’euthanasie (Belgique, Québec, Suisse), emploi systématique du terme « d’aide active à mourir » au cours des débats, discussion limitée à une heure quinze sur 27 jours de phase délibérative entre tenants et adversaires de l’euthanasie, mise à l’écart de philosophes et d’éthiciens réservés sur la légalisation de l’euthanasie, limitation de la voix des médecins à une seule matinée, refus d’organiser des visites d’unités de soins palliatifs sur le terrain. » (2) À se demander si la convention citoyenne sur la fin de vie et son rapport n’avaient pas été souhaités par Emmanuel Macron pour servir de contre-feu à l’impopularité de la réforme des retraites adoptée au moyen de l’article 49-3 c’est-à-dire sans vote ? 

Lundi 3 avril 2023, devant les conventionnels, le président de la République a déclaré qu’il souhaitait une nouvelle loi sur la fin de vie « d’ici la fin de l’été ». Après celles sur la fin de vie et le climat, il a également annoncé qu’il allait étendre le recours aux conventions citoyennes à d’autres sujets. « Je souhaite que cet instrument désormais mûr soit mis en œuvre pour d’autres sujets. Je compte dans les prochaines semaines saisir le Cese (Conseil économique, social et de l’environnement) sur d’autres questions relatives à la vie de la nation ». Sachant que 90 % des propositions de la convention citoyenne sur le climat n’ont pas été reprises par l’exécutif, n’est-on pas en droit de s’interroger sur les desseins d’Emmanuel Macron ? Désir de démocratie participative ou volonté de court-circuiter les travaux parlementaires en particulier ceux de l’Assemblée nationale où il ne dispose pas de majorité ? À méditer…

Nonobstant, les membres de la convention ont tenu à accompagner leur rapport final d’un « manifeste » publié en intégralité dès le 2 avril 2023 dans le Monde. «Nous relayons la préoccupation et le vécu des équipes soignantes et de beaucoup de nos concitoyens : notre système de santé se trouve dans une situation alarmante faute de moyens humains et financiers. En particulier, nous déplorons le manque de soignants, les déserts médicaux, l’engorgement des services d’urgence et les inégalités d’accès aux soins palliatifs sur le territoire. Nous avons aussi pris la mesure de la complexité de certaines situations de fin de vie et des souffrances qu’elles peuvent entraîner. Dans ce contexte, nous interpellons le gouvernement. Il est plus que jamais nécessaire de renforcer notre système de santé afin d’accompagner l’ensemble des patients, et plus spécifiquement ceux en fin de vie. 

Nous, citoyennes et citoyens de la Convention, constatons que les lois sur l’accompagnement de la fin de vie sont aujourd’hui insuffisamment connues et appliquées. Face à cette situation, nous appelons à des changements profonds parmi lesquels une garantie d’accès aux soins palliatifs, le renforcement de la formation des professionnels de santé et une meilleure information de toutes et tous. » (3)

Lundi 3 avril 2023, le président de la République a également promis aux membres de la convention citoyenne un « plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et pour les soins palliatifs ». Il s’agissait, en effet, de la seule demande véritablement unanime des participants à la convention citoyenne. Le plan sera doté des « investissements qui s’imposent », assure le président, car « l’État a une obligation de résultat » en matière d’« accès effectif et universel aux soins d’accompagnement à la fin de vie ». Une énième promesse sans lendemain ?

« À l’occasion de la journée mondiale des soins palliatifs, le 7 octobre dernier, madame Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, avait voulu « réaffirme [r] son attention pour un accès renforcé aux soins palliatifs ». Mais après s’être désengagé entre 2018 et 2021, l’État « n’a prévu de verser entre 2021 et 2024 que 171 millions d’euros », indique le député Patrick Hetzel (Les Républicains). Un montant presque dérisoire face aux besoins évalués par la SFAP (Société française d’accompagnement palliatif) : de l’ordre de 800 M€ par an pour un véritable accès aux soins palliatifs sur tout le territoire ». (5)

Le 2 avril 2023, le Figaro a publié en exclusivité la version française de la tribune écrite par l’auteur de Soumission pour le magazine américain Harper’s. Michel Houellebecq écrit : « Peu à peu, sans que personne n’y trouve à redire, sans que personne ne semble même le remarquer, la loi civile s’écarte de la loi morale qu’elle devrait avoir pour unique fonction de servir ». Il ajoute que la douleur causée par des souffrances physiques inhumaines sera de plus en plus apaisée par les progrès de la médecine et les soins palliatifs. Enfin, il craint le basculement dans une société à la “Soleil Vert” « où le recours à l’euthanasie serait le moyen de lutter contre les difficultés financières liées au vieillissement de la population. » (6)

« Regarder la lumière ne nous permet pas de discerner les couleurs de l’arc-en-ciel qui pourtant la compose. Aussi, afin de proposer de nouvelles manières d’entrevoir et de concevoir l’essence même des soins au stade ultime, ne serait-il pas opportun […] de laisser advenir un autre regard ? » (7) Un regard d’humanité vis-à-vis de son prochain.  

I’m a poor lonesome doctor…

Photo : tableau Femme dans la cour, Jean Rustin, 1985

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  1. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/manifeste/49163 
  2. https://www.lefigaro.fr/vox/societe/patrick-hetzel-le-debat-sur-la-fin-de-vie-merite-mieux-que-l-amateurisme-et-les-manipulations-20230403
  3. https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/04/02/emparez-vous-de-cette-question-de-la-fin-de-vie-qui-est-un-enjeu-de-societe-majeur-le-manifeste-des-membres-de-la-convention-citoyenne_6167949_3224.html?random=2090078451
  4. https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/02/26/convention-citoyenne-sur-la-fin-de-vie-les-doutes-par-dela-les-votes_6163348_3224.html?random=2126197152 
  5. https://www.genethique.org/plan-decennal-pour-les-soins-palliatifs-encore-des-promesses/
  6. https://www.causeur.fr/euthanasie-plutot-michel-houellebecq-ou-line-renaud-257902 
  7. Jacques Fabrizi, Déjà-presque-mort mais encore-si-terriblement-vivant, dessins de Jean Rustin, Éditions L’Harmattan, 2012.

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