Comment as-tu commencé à écrire ?
J’ai commencé à écrire, je crois me souvenir, quand j’étais journaliste de presse écrite, à mes débuts chez Presse Océan, quand je faisais surtout des articles de faits divers, sur les crimes, sur les accidents de la route… Le plaisir d’écrire m’a saisi à ce moment-là. Puis, curieusement, mon aventure télévisuelle a fait que j’ai pratiquement arrêté d’écrire… Ça n’est que dans les années 1980, lorsque j’ai participé à un voyage pour Médecins sans frontières, avec Xavier Emmanuelli, que j’ai recommencé à écrire. J’avais écrit de longs papiers qui sont à l’origine du brouillon du premier livre que j’ai publié en 1987 et qui s’appelait De quoi je me mêle, chez Balland. Je parlais de l’engagement humanitaire. Ça c’est produit par étapes.
Tu as fait des études littéraires, pourtant…
Oui, mais je crois que le hasard des rencontres a fait qu’au lieu de choisir naturellement la presse écrite, j’ai opté pour la télévision. Sans doute parce que je n’y connaissais rien : quand je ne connais pas quelque chose, j’ai envie d’aller voir… Pour me flatter, si j’ose dire, il faut savoir que le jour où on me propose d’entrer à la télévision, à l’ORTF, le journal Le Monde me fait aussi une proposition Naturellement, j’aurais dû aller au journal Le Monde. Ma vie aurait été complètement différente. J’ai décliné… Parce que, justement, la curiosité l’a emporté sur la pratique…
Pourquoi des études de lettres et pas des études de journalisme ?
Je suis quelqu’un qui a appris sur le tas, en allant frapper à la porte de Presse Océan, en commençant à écrire des papiers sur le sport, sur les faits divers… J’ai eu envie de faire du journalisme parce que nous étions en 1968 et que l’actualité de l’époque m’intéressait beaucoup… Certes, j’étais un littéraire, mais j’étais déjà tellement attiré par le journalisme que j’ai terminé mes études universitaires avec légèreté…
Quels sont les écrivains qui t’inspirent ?
Les écrivains qui m’inspirent sont assez disparates. D’abord, j’ai été très intéressé et très inspiré par les écrivains du Nouveau roman : Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Claude Simon, Alain Robbe-Grillet, tous ces gens-là. Leur écriture si particulière me fascinait assez. J’écrivais un peu comme ça, d’ailleurs, quand je suis entré dans le journalisme, et on m’a tapé sur la tête en me disant qu’il fallait dans mes phrases un sujet, un verbe et un complément… Autrement, j’ai toujours été fasciné par l’invention de Jules Verne. Je trouve que c’est un des plus grands écrivains, un peu méconnu. Il y a aussi Alexandre Dumas, évidemment. Et puis, j’aimais bien lire du théâtre, Molière et tous les autres. Je lisais, de préférence, les écrivains plutôt classiques. Pour ma licence, mon mémoire portait sur Madame Bovary, plus exactement sur Monsieur Homais, qui était le pharmacien et en même temps le correspondant du Fanal de Rouen. On m’avait demandé de raconter un peu la vie des correspondants à cette époque-là à travers le personnage de Monsieur Homais. J’étais attiré aussi par les écrivains américains du 20e siècle : Steinbeck, Dos Passos…
Quand tu écris, comment vient l’inspiration ?
Ça commence toujours par des notes que je prends à la main sur un carnet : une situation que j’ai vue, un propos que j’ai entendu, une idée qui m’est venu à l’esprit, comme ça. Je note tout le temps des choses. Ce sont des petites graines qui restent dans mon carnet et que je sème dans ma tête. Et puis quand je me décide sur une idée, je pars de là : toujours de l’observation ou de l’écoute de ce qui se passe en face de moi, du réel. Mais du réel que je tords. Mes nouvelles, par exemple, passent du réel à l’imaginaire ou le futur le plus bizarre, mais en partant de quelque chose que j’ai ressenti, vu ou écouté.
Une fois que tu as décidé d’écrire, tu ressors tes notes et comment fais-tu ? Tu fais un plan ? Tu écris la nuit, le jour, à certaines heures ? Tu rédiges à la main ou sur ordinateur ?
Je n’ai pas vraiment de règles… Quand j’écris des poèmes, c’est plutôt à la main, sur un carnet et au hasard du temps. Quand il m’est arrivé d’écrire des romans, comme cela demandait une plus grande continuité, j’essayais d’avoir une discipline pour écrire plutôt la nuit, effectivement, ou parfois le matin. En fait, je réagis de manière un peu aléatoire. Si je sens que j’ai une idée ou que quelque chose m’attire beaucoup, j’écris rapidement. Le roman que j’avais publié aux éditions Grasset et qui s’appelle Une femme coupable a dû être écrit en trois mois : j’avais trouvé l’idée avec tous les personnages, et je l’ai donc écrit tout de suite, peut-être trop vite d’ailleurs, avec le recul je me dis que j’aurais mieux fait de le retravailler un peu. L’essai que j’ai fait sur le bashing, sur les gens qui passent leur temps à dire du mal, a aussi été écrit assez vite, d’abord en prenant des notes sur un carnet puis en les retapant sur mon ordinateur.
Est-ce que tu écris de la même manière pour créer que pour informer, par exemple pour le journal de 20h00 ?
Écrire pour le 20h00 était un peu une denrée rare parce que, la plupart du temps, on dictait. Comme j’aimais bien écrire, je prenais quand même la peine de rédiger certains lancements qui me semblaient plus importants que d’autres ou pour l’ouverture d’un journal un peu plus long. Mais, de toute façon, un journal de 20h00 tenait sur 2 pages, 2,5 pages au grand maximum, ce n’est pas très long. Aujourd’hui, quand il m’arrive de faire un papier dans la presse écrite, j’ai une démarche de connaissance, de rigueur, de vérification. Au contraire, lorsque je me lance dans des nouvelles, des poèmes ou un roman, je suis totalement libre, je peux écrire des pages et ensuite les corriger et en enlever la moitié, ce n’est pas du tout la même démarche.
Mais il y a le style, quand même, le fait de choisir les mots et d’écrire bien. Quand on te lit, on le voit…
Ce n’est pas pareil. Très franchement, pour informer, il faut d’abord être rigoureux : bien vérifier ses informations, les revérifier encore, et puis penser avant tout au lecteur d’un journal, qui n’est pas le lecteur d’un roman. Les deux n’ont rien à voir : quel que soit son contenu, de la prose, des rimes, des nouvelles, on s’installe dans un livre, alors qu’on tourne assez vite les pages d’un journal, on cherche l’information dont on a entendu parler quelque part ou sur laquelle on a quelque avis. Je n’essayais donc pas de faire du style. Autant je reconnais que j’ai une écriture particulière pour mes livres, autant j’ai surtout tenté de privilégier une rigueur dans mon écriture journalistique : faire passer des émotions, mais avec rigueur.
À propos de tes sources d’inspiration, et puisque tu es journaliste, peut-on dire que la réalité dépasse toujours la fiction ?
Pas forcément, non. Quelque fois, on est surpris par, si j’ose dire, l’extravagance de la réalité. Mais elle est plutôt sinistre, en ce moment, cette extravagance. Ce qui se passe à Gaza est tellement fou, tellement invraisemblable devant la forme de passivité des grandes puissances, qu’effectivement la réalité dépasse la fiction. En même temps, la fiction qu’on voit au cinéma et qu’on arrive à inventer est quand même incroyable ! Et maintenant il y a l’intelligence artificielle… Donc, non : je ne dirais pas ça. En ce qui me concerne, j’essaye d’abord de mettre de la poésie, de l’invraisemblance… En fait, je sors de mon milieu qui doit être absolument vraisemblable dès lors que je suis journaliste, pour entrer dans mon autre milieu d’écrivain où, là, j’ai une totale liberté. On m’a donné les clés, et je fais ce que je veux. Dans L’extravagant, la nouvelle Le mal de mer se passe en baie de Nice où la mer n’est plus là, on peut dire qu’il y a une forme de réalité, éventuellement. Mais pas du tout, à partir du moment où j’invente totalement… Il m’est arrivé un jour d’écrire dans un bouquin une sorte d’éloge du mensonge : le mensonge est une des formes les plus formidables de liberté, puisqu’on s’invente autre chose, on devient quelqu’un d’autre et, ça, c’est très jouissif, d’ailleurs. Il n’y a pas de limite. On peut inventer n’importe quel personnage : grand, gros, petit, femme, homme, transgenre, tout ce qu’on voudra. On peut décider que les arbres sont rouges. On peut parfaitement inventer une ville, une époque, des sentiments, etc. On n’est plus sous le contrôle de la réalité. La fiction est quand même un champ beaucoup plus infini d’invraisemblance, de romantisme, de poésie…
Dans les nouvelles de La conversation, tu es pourtant assez proche de la réalité…
Oui, dans La conversation, je suis proche de la réalité précisément parce que je pars de mon observation. Si on prend la première nouvelle, La conversation, justement, j’ai vu un jour deux personnages à la terrasse d’un café et j’ai décidé qu’ils allaient partir ensemble. C’est moi qui ai choisi de le raconter comme ça. Ils ne ressemblaient pas du tout à ce que j’ai écrit. Je me suis fait mon cinéma, mon histoire. Quand j’étais jeune, j’aimais bien jouer à ce jeu autour d’une table où quelqu’un commence une phrase et puis son voisin la continue. Chacun, l’un après l’autre, met de l’invraisemblance. Au bout du compte, le résultat est assez cohérent parce qu’il y a une intrigue avec une fin, alors que chacun est allé chercher dans son subconscient, dans son imaginaire, quelque chose qui n’est pas du domaine de la réalité. C’est la même chose pour le livre La conversation : toutes les nouvelles ont été créées à partir des notes que j’ai pu prendre mais, ensuite, l’oiseau s’envole, les futurs s’envolent…
Pourquoi être passé aux nouvelles, alors que tu as commencé avec des romans ?
Parce que je pense que je suis assez à l’aise avec la durée de la nouvelle. C’est comme une conversation avec quelqu’un à qui je raconte une histoire… Peut-être que demain ou après-demain, je terminerai un des romans que j’ai commencé. Pour l’instant, je suis dans ce projet de raconter des histoires courtes. Ce qui me semble d’ailleurs assez adapté à la lecture d’aujourd’hui, sauf quand on est en vacances, tranquille, tout seul, et qu’on a une semaine pour lire un gros bouquin. En général, on bouge, et la nouvelle se lit très facilement dans un temps court. Elle répond à ce plaisir de la lecture simple. Et puis j’essaie de faire en sorte qu’une nouvelle ne soit jamais tout à fait achevée : j’écris 20 ou 30 pages, parfois 40 pages, en laissant toujours une possibilité pour que le lecteur ou la lectrice puisse envisager une autre suite que celle que j’ai décidée. Quand on me lit, chacun fait travailler son imaginaire.
Tu as aussi écrit Les valises et d’autres pièces pour le théâtre…
Le théâtre, c’est un pari que je me suis fait : j’écrivais des dialogues et je me suis dit que c’était un exercice que je devais creuser… J’ai alors écrit purement des scènes de théâtre. Ça a donné trois pièces. Plus tard, j’ai aussi adapté un essai romancé que j’avais écrit sur la rencontre entre de Gaulle et Franco. J’étais parti d’un fait réel, historique, méconnu, et comme il y avait un défaut total de documentation, il a fallu que j’invente un peu. Il a alors été assez naturel d’écrire une pièce de théâtre à partir de ce livre-là sur deux personnalités politiques imposantes, peut-être qu’un jour elle sera jouée… Quoi qu’il en soit, pour moi, il s’agit d’écrire des dialogues, de me mettre dans la peau de plusieurs personnages et de les faire se parler sans que j’ai à raconter ce qu’ils font ou sont supposés faire. Ce qui se révèle aussi être une difficulté car, quand on lit une pièce de théâtre, le manque d’indication pour la mise en scène ne doit pas se faire sentir. D’ailleurs, les metteurs en scène apprécient qu’on les laisse libres d’adapter la pièce à leur manière. Surtout, ce qui est intéressant, qu’il s’agisse de théâtre ou de poèmes lus par des comédiens sur scène, c’est qu’à chaque fois je me suis aperçu que les textes ne m’appartenaient plus : les interprètes les avaient totalement pris à leur compte. J’ai eu la surprise d’écouter des textes dont j’ai eu du mal à me souvenir que c’était moi qui les avais écrits. Ce qui est assez troublant, quand même…
À propos de poésie, qu’est-ce qu’elle apporte que n’apportent pas les autres genres, le roman, la nouvelle, le théâtre, l’essai ?
Je crois que je suis plus près des sentiments, des émotions que je ressens. Les textes poétiques me ressemblent plus que ceux que je développe dans les nouvelles. Les nouvelles sont le fruit de mon imaginaire pur, alors que la poésie est du ressenti, dit des choses qui m’ont troublé, que j’ai parfois du mal à comprendre. Elle n’est pas forcément de moi-même mais de gens que j’ai croisés. À travers la poésie, je suis au plus près des émotions, des sentiments, des passions, des tristesses, des larmes, des rires que j’entends autour de moi. C’est une relation beaucoup plus intime. Quand je compose des poèmes, souvent, c’est d’abord à la main, par jets, par pulsion, dans un ressenti immédiat, puis je les laisse reposer et ensuite je les écris sur l’ordinateur. Après, quand je les relis, il m’arrive de voir que ça ne va pas et, d’une certaine manière, je les corrige. Et je ne devrais pas, d’ailleurs, parce que la poésie devrait garder ce côté très spontané, très coup de cœur. C’est un vrai plaisir pour moi d’écrire de la poésie parce que j’ai l’impression d’aller au plus près de l’âme humaine.
Tu es passé de la poésie en vers à la poésie en prose. Les premiers poèmes de Vers à moi ressemblent à des chansons, comme du Prévert, alors que les derniers, dans Se donner rendez-vous, sont de longs poèmes. Quelle est la différence ?
Il s’agit plus de moments pour moi. Là, je suis en train de finir quelque chose d’unique, un long texte poétique sur mon ressenti face à l’évolution du monde, à la sauvagerie du temps. C’est volontairement très long, d’un début jusqu’à une fin, comme si j’avais écrit une longue lettre à quelqu’un. Au fond, c’est ça : autant dans Vers à moi il y avait en effet des compositions qui étaient plus du domaine de la chanson, assez courtes, autant ce que j’écris maintenant répond à un besoin d’entrer totalement dans un monde poétique et de m’y asseoir, de m’y allonger, de penser à mille choses et de rester peut-être dans un cercle, dans une bulle. Globalement, soit c’est une poésie qui est immédiate et je n’ai pas besoin qu’elle soit très longue, soit c’est une poésie qui me tient sur plusieurs mois. Ce que je suis en train de finir, ça fait cinq-six mois que je suis dedans. Curieusement, je repousse le moment d’achever et suis assez bien dans cette démarche…
Tu écris aussi sur les réseaux sociaux…
Oui, ça m’est arrivé. On avait même publié mon journal de l’année 2020 qui a bénéficié de la concomitance de la Covid et de l’envie d’écrire : la pandémie m’a donné du temps et une forme de solitude, avec aussi le besoin de regarder et de comprendre ce qui se passe dans le monde. C’était un travail assez proche de celui d’un journaliste, d’un chroniqueur de presse écrite quotidienne. C’est un exercice très intéressant. J’avais eu le privilège pendant un an de travailler à France Inter, et chaque matin, quand j’ouvrais mon émission, je faisais un petit billet. Cinq fois par semaine, c’est une discipline et une contrainte, qui exige de trouver à chaque fois des idées. Avec ce journal de l’année 2020, il y avait aussi l’idée d’accompagner les gens dans l’actualité qu’ils vivaient.
Quelle est la place du style dans cette écriture du quotidien ? Ou s’agit-il plus de retranscrire des événements ?
J’essayais de coller à des événements, à des émotions. Dans Journal 2020, je parlais de gens que j’avais connus et qui venaient de disparaître, j’essayais de raconter les situations auxquelles j’étais confronté et qui revenaient dans l’actualité… Il m’arrive encore d’avoir un peu cette tentation d’écrire comme ça. Quand on me demande des billets dans des journaux de presse écrite, des journaux régionaux notamment, je raconte en effet l’actualité elle-même, avec mon regard un peu extérieur parce que je ne suis pas allé sur place. C’est une manière de réfléchir à ce que j’ai entendu, de montrer parfois un agacement, une colère ou une contestation de ce qui a été dit. C’est une façon pour moi de participer à la vie. Tout est lié. Je pense qu’on ne peut pas être à la fois écrivain et complètement enfermé dans une tour et ne pas savoir ce qui se passe dans le reste du monde. J’ai besoin d’écrire à travers tout le ressenti de la vie humaine dans ce moment où je suis sur Terre.
Pourtant, d’autres écrivains penseurs se retirent et ont besoin d’échapper au réel, parce qu’il est trop dur peut-être…
Oui, bien sûr ! Je pense à mon ami Jean Teulé qui se réfugiait dans les faits divers historiques, très anciens pour certains, pour les raconter avec toute sa verve et tout son talent. Mais lui, il n’avait pas envie de se mêler de ce qui se passait au jour le jour pendant qu’il écrivait. D’ailleurs, il était extrêmement rigoureux dans sa discipline d’écriture : c’était tous les jours, quel que soit le jour, tant qu’il n’avait pas fini… C’est une autre démarche. Pour ma part, j’ai un intérêt pour l’actualité dans laquelle j’ai été bercé quand même pendant plusieurs décennies, et il ne peut pas disparaître. Au fond, avec l’écriture, je me suis ouvert une autre porte, mais je ne peux pas devenir sourd à ce qui se passe dans le reste du monde. C’est comme s’il y avait le réel et puis la transgression, aussi…
Après les nouvelles, le théâtre et la poésie, bientôt le roman, à nouveau ?
J’ai de quoi, comme on dit. Mais je ne franchis pas le pas pour l’instant. Je sais que le prochain texte que je proposerai sera plutôt poétique et long. Et puis, je pense que je reprendrai ensuite le manuscrit que j’ai mis de côté et que je vais retravailler. J’ai encore du mal à quitter cet univers de la poésie, qui est une niche, comme on dit maintenant en termes un peu triviaux. Elle sait créer un lien différent avec les lectrices ou les lecteurs qui veulent bien en acheter et la lire, elle parle un peu de soi, d’intimité…
Dernière question : tu lis beaucoup, que penses-tu de la littérature aujourd’hui ?
Je lis beaucoup, je grappille beaucoup, notamment les auteurs étrangers, pour aller voir ce qui se passe, ce qui s’écrit. Parmi les écrivains français, il y a ceux qui écrivent pour un public très populaire, et c’est respectable mais pas vraiment ma tasse de thé, et je comprends très bien qu’on puisse publier des histoires qui détendent. Et puis il y a beaucoup de livres français qui sont avant tout des récits personnels. On dit que le bonheur ne se raconte pas, qu’il faut qu’il y ait un peu de malheur… Je suis pas très friand de ces récits, de ces témoignages. Ils peuvent intéresser le journaliste que je suis, mais c’est davantage une mode. Je recherche plutôt les auteurs qui inventent des histoires, qui créent des situations, comme les grands écrivains du 19e siècle qui racontent une histoire et emmènent dans un autre monde que celui dans lequel on vit. Je pense aux livres de Jean Teulé qui non seulement sont des petits chefs-d’œuvre d’écriture mais aussi racontent des événements qui sont très loin. Le livre est par essence une ouverture sur autre chose. Je n’ai pas envie de m’enfermer pour devenir le psy qui écoute la lecture d’un livre sur un drame personnel. J’ai besoin qu’on me raconte une histoire et qu’on m’enseigne des choses, parce que se cultiver, c’est d’abord et avant tout lire. Un livre crée la rencontre et ouvre sur de nouveaux horizons.