Montmorillon ? Oui, Montmorillon, dans l’est de la Vienne, à 50 km de Poitiers, pas loin de l’Indre et du Limousin. Environ 6 000 habitants, un salon du livre créé en 1990 par Régine Desforges, née à Montmorillon, une Cité de l’Écrit dans le cœur de la vieille ville créée en 2000 avec le soutien de l’Europe (plus de 200 machines à écrire et à calculer exposées) et puis la rivière Gartempe qui se prélasse au milieu d’un très beau patrimoine architectural – pour info, la Gartempe rejoint à La Roche-Posay, plus au nord, la Creuse, qui se jette encore plus au nord, à la pointe du département de la Vienne et de l’Indre-et-Loire, dans la Vienne, laquelle rattrape la Loire tout près de l’abbaye de Fontevraud, au sud du Maine-et-Loire. Longtemps, Montmorillon a exploité la rivière pour produire de la pâte à papier grâce à de nombreux moulins, aujourd’hui tous disparus. La ville a bénéficié de cette renommée jusque dans les années 1980 parce qu’elle exportait dans toutes les écoles de France ses célèbres cartes murales pédagogiques Rossignol. Voilà pour Montmorillon.
Pas tout à fait : la réputation de Montmorillon brille depuis le XIXe siècle dans la gastronomie française grâce aux fameux macarons de la ville (héritage de la présence ottomane dans la moitié sud de ce qui ne s’appelait pas encore la France ?).
Revenons à notre journée professionnelle consacrée à l’écologie du livre. Étaient notamment présents à nos côtés dans la médiathèque Prosper Mérimée : Jean-Jacques Teixeira, responsable culturel à la mairie de Montmorillon, Rachel Cordier, présidente de l’ALCA (agence livre, cinéma et audiovisuel de la région Nouvelle Aquitaine), Mélanie Cronier, chargée de mission écologie du livre et de la lecture chez Mobilis, pôle régional livre et lecture en Pays de la Loire à Nantes, et puis Mélanie Mazan et Mathilde Charrier – elle-même libraire du Rideau rouge à Paris –, coordinatrices à l’association Pour l’écologie du livre, qui dirigeaient les débats. Débats sur une écologie du livre à peu près inexistante, donc, et pourtant bien présente dans tous les esprits…
Sans reprendre les chiffres que nous connaissons déjà (26 300 tonnes de livres neufs détruits chaque année, soit 2,5 tours Eiffel, un tirage moyen autour de 5 000 exemplaires, alors que 70% des romans publiés sont vendus à moins de 100 exemplaires, blablabla), intéressons-nous à ce que propose cette notion d’écologie du livre.
Prenons le livre : il s’agit d’un objet manufacturé, fabriqué avec du papier, de l’encre, de la colle. Mais pas seulement : auteur, éditeur, graphiste, imprimeur, libraire se sont associés pour lui donner accès à ses lecteurs. Enfin, le livre a un rôle intellectuel, artistique, éducatif, politique, social, etc. Trois écologies contribuent ainsi à son existence et manifestent les interdépendances entre ses créateurs : matérielle (le livre est un objet), sociale (le livre a un rôle), symbolique (le livre est un véhicule). S’interroger sur l’écologie du livre, c’est reconnaître la singularité et la complexité de cet objet dans notre société et questionner de manière transversale et non plus verticale le fonctionnement de cette fameuse « chaîne du livre ». Quand l’époque fait basculer les sociétés dans un nouveau monde, penser d’abord les relations devient essentiel.
Précisément, à cette première approche qui favorise l’ouverture, la diversité, la participation – comme un livre s’ouvre et multiplie les angles de vues en invitant ses acteurs à partager des imaginaires et des pensées –, il convient de comprendre la situation actuelle de l’édition en France pour mieux y intervenir.
Depuis plusieurs années, le milieu éditorial français subit une concentration croissante qui place entre les mains d’une demi-douzaine de grands groupes la production, la diffusion et la distribution de la majorité des livres, mais aussi une puissance de marketing et de communication inégalée. On parle d’ailleurs de plus en plus d’industrie créative, ce qui est un bel oxymore, en l’occurrence. Résultat : la logique financière s’impose, peu importe si 1 livre sur 5 termine au pilon, si la précarisation du milieu s’accroît au profit d’une minorité (d’auteurs comme d’éditeurs). Dans le même temps, la consommation des livres se transforme, la best-sellerisation s’est installée, à peu près autant que les centres-villes se sont désertifiés, internet ayant radicalement modifié les habitudes. La surproduction est pourtant à l’origine d’une surconsommation énergétique et d’une surpollution globales persistantes : en papier, en encres et en transports (allers vers les librairies, retours des invendus vers les stockages)… Combien d’acteurs responsables s’engagent aujourd’hui à modifier quelque chose dans ce système vieillissant et de plus en plus nocif pour la créativité comme pour l’environnement ?
Si on lit la définition du terme « écologie » proposée plus haut en cliquant sur le lien, on tombe sur Wikipédia qui énonce ceci : « L’écologie, ou écologie scientifique, est une science qui étudie les interactions des êtres vivants entre eux et avec leur milieu. L’ensemble des êtres vivants, de leur milieu de vie et des relations qu’ils entretiennent forme un écosystème. L’écologie fait partie intégrante de la discipline plus vaste qu’est la science de l’environnement (ou science environnementale).
Une définition généralement admise, particulièrement utilisée en écologie humaine, admet l’écologie comme étant “le rapport triangulaire entre les individus d’une espèce, l’activité organisée de cette espèce et l’environnement de cette activité” ; l’environnement est “à la fois le produit et la condition de cette activité, et donc de la survie de l’espèce”. »
Ce qui est merveilleux, c’est qu’il faut venir à Montmorillon pour rencontrer des acteurs engagés et éclairés, prêts à créer un écosystème viable pour les acteurs du livre, pour la cité, pour l’environnement. Ça tombe bien, Cent Mille Milliards se rapproche d’eux…