#synchronicité

« Quelle princesse êtes-vous ? » questionnent certains, affirmant que les princesses ont toujours raison ! Mais, qu’importe la princesse ! Car nous sommes, en réalité, tous les personnages du contes de fées :  le roi, la sorcière, le héros, les ogres et les géants, la princesse, les fées…Conteur et thérapeute, Jean Pascal Debailleul est l’auteur d’une formidable méthode de transformation de soi par les contes qu’il développe et enseigne depuis près de 40 ans. Son ouvrage Vivre la synchronicité par les contes vient d’être réédité chez Cent Mille Milliards. Et bientôt d’autres titres sur le même thème.
En quelques mots, il livre quelques-unes des clés pour passer du conte à la réalité.

 

 

 Tu dis de la synchronicité que c’est « une question de posture, à partir de l’intérieur, par l’émission d’une vibration, d’une résonance, d’une fréquence ». Tu proposes également de regarder la synchronicité sous un autre angle, celui de « la participation de l’humain au mouvement créateur du cosmos, de la Totalité ». Nous sentons bien tout cela intimement et, souvent, nous avons cette attirance, cet appel de la Vie, mais nous avons du mal à y croire ou nous ne le comprenons pas…

Jean Pascal Debailleul : Tout à fait. Moi, je n’ai pas accroché tout de suite à l’idée de synchronicité. J’ai développé mon séminaire de La voie des contes et l’ai donné pendant des années. J’ai commencé en 1986, et le premier livre, Vivre la magie des contes, est paru chez Albin Michel en 1997, dix ans après. Le livre sur la synchronicité, lui, est paru en 2002 chez Jouvence, soit quinze ans plus tard. C’est dans le miroir de la spiritualité, encore, que je me suis posé la question de l’ensemble, de fonctionner dans l’ensemble : comment la spiritualité peut nous y ouvrir ? La spiritualité ambitionne de réunir l’humain à cette dimension d’unité, à l’Un, à la divinité comme présence unique du Tout. L’ambition de la spiritualité est, on va dire, de permettre à l’humain de se réunir à la dimension unique, à l’Être unique.

Parce que c’est là que l’humain s’épanouit…

Jean Pascal Debailleul : Ceux qui ont connu des moments d’éveil le savent. Ces moments d’unité où l’on est en fusion avec l’Un sont des expériences que la psychologie positive appelle paroxystiques. Oui, les expériences d’unité sont  le paroxysme de ce que l’humain peut connaître dans sa vie existentielle d’individu séparé. C’est paradoxal mais le paroxysme de l’expérience existentielle, c’est l’Un ! Tous ceux qui ont connu ces moments d’unité en conviennent. Aujourd’hui, justement, dans l’époque en pleine effervescence qui est la nôtre, beaucoup de gens s’éveillent, ont des expériences paroxystiques. Tout le problème est d’arriver à nommer, à comprendre ces expériences-là. La spiritualité peut y aider, elle a les clés pour ça. Parce que, sans spiritualité, on a affaire à la médecine… Et les psychiatres se méfient énormément de ces expériences car il y a beaucoup de délires qui leur sont associés, aussi. Certaines pathologies psychiques sont en effet des dérives. Tout ça est très délicat et demande beaucoup d’attention. 

Et c’est en pratiquant l’inspiration, en ayant des percées créatrices grâce aux contes qu’on peut aussi rester en éveil ?

Jean Pascal Debailleul : Dans les contes, tout parle, tout fonctionne ensemble : les personnages parlent, les animaux parlent, les objets parlent, dans l’évidence que tout fonctionne ensemble. Il y a ça en arrière-plan dans la sagesse des contes. Or, moi, je n’arrivais pas à faire pratiquer ça, pas encore. Jusqu’au moment où, réfléchissant à cet aspect de l’ensemble, j’ai ouvert dans mon séminaire les derniers modules, les onzième, douzième et treizième modules, sur la perspective de fonctionner dans l’ensemble, de fonctionner en synergie. Si le roi, le héros et la fée sont les trois fonctions principales, il y a aussi une fonction du Tout : on peut se vivre comme le Tout. On peut vivre les questions qui apparaissent dans notre vie, et pour lesquelles nous recourons à l’inspiration et à la créativité pour trouver des solutions, nous pouvons les vivre comme des questions du Tout. Évidemment, pour ces questions qui apparaissent dans notre vie de manière individuelle, nous avons l’habitude de nous dire que nous allons trouver les réponses avec les moyens du bord. Mais, si nous sommes assez avancés et si nous avons la chance de pouvoir utiliser la créativité et l’inspiration, justement, les solutions apparaissent. Aujourd’hui, on sait bien que la créativité et l’innovation sont de première importance. Elles sont, à travers la fonction de la fée, le modèle d’accomplissement, c’est-à-dire le programme du poirier qui est dans la semence du poirier, dans le pépin qui va grandir. C’est fabuleux comment ce programme va se revêtir et devenir le poirier, comment il va s’accomplir ! C’est ça, la fée, d’une certaine manière : notre programme d’accomplissement. Tous, nous en avons un. C’est le grand thème, dans les contes, du royaume enchanté qu’il faut délivrer. Et ce thème-là, qui donne bien la figure de ce que peut être la fée dans son infini – parce que le programme, tout en ayant des bords limités, est immergé dans l’infini des ressources –, c’est dans l’infini du Tout qu’il se développe. À un certain moment, ce programme peut être regardé non plus du point de vue du héros qui essaye de s’accomplir, mais du point de vue de la Vie qui regarde le poirier pousser. OUI, Le poirier qui pousse se regarde comme semence qui essaye de rejoindre son modèle de croissance, son modèle d’accomplissement, c’est-à-dire son programme. Il peut aussi se regarder comme la Vie qui va soutenir ce poirier dans sa croissance, au milieu d’autres plantes, dans un jardin, auprès d’une maison, soigné par un jardinier, etc. Tous les questionnements de notre vie peuvent être abordés du point de vue du héros qui doit résoudre les problèmes, ou du point de vue de la Vie qui, à travers ce héros, fait avancer les problèmes dans un mouvement d’évolution des mentalités, des consciences. C’est ça la synchronicité telle que je l’ai découverte, telle que j’ai commencé à la faire travailler.

C’est un autre point de vue que le point de vue du héros… 

Jean Pascal Debailleul : C’est le point de vue du Tout. La Vie a un regard sur notre traitement des problèmes, et la Vie a un rêve sur nos problèmes. C’est le rêve de la régénération des formes, de la régénération permanente. C’est ça, le rêve de la Vie : à travers l’humain qui est un catalyseur, un réactif, elle rêve la régénération du tissu vivant, du tissu des vivants. Si quelqu’un est vivant, alors c’est vivant autour de lui, et il est une bénédiction pour les vivants qui attendent de pouvoir bouger. Tout le travail de La voie des contes peut se regarder sous l’angle d’une synergie avec la totalité, ou sous l’angle de la Vie qui voit toutes nos résolutions, qui nous donne des inspirations, qui regarde comment le héros avance de la meilleure façon, qui lui donne d’autres inspirations, encore et encore, etc. C’est en ouvrant ce regard de la Vie sur nous, héros des contes qui faisons avancer les problématiques de notre vie, que j’ai pu faire apparaître la synchronicité. Parce que la synchronicité est un regard sur nos questionnements comme appartenant au Tout.

On sort de l’anecdotique !

Jean Pascal Debailleul : Exactement, et on passe dans l’universel. Nos questions ne sont pas seulement personnelles, anecdotiques, elles appartiennent au Tout. Ce sont des questions du Tout qui apparaissent en nous pour être traitées par nous dans la dimension du Tout et avec les moyens du Tout. On a beaucoup plus de moyens à partir du moment où on traite les questions avec les richesses et les ressources du Tout. On a beaucoup plus de moyens pour aboutir, et ça donne la possibilité de s’ouvrir à une dimension existentielle plus vaste, parce qu’on va pouvoir participer au mouvement évolutif. En réalité, les créateurs, ce sont des gens qui fonctionnent avec les courants créateurs. De créatif qui résout les problèmes, on peut devenir créateur dans cette perspective, c’est-à-dire participer au mouvement d’évolution de l’ensemble. On voit bien cela dans notre époque, qui est en train de passer de la révolution du numérique à celle de l’intelligence artificielle sous nos yeux, nous avançons ensemble dans une rapidité qui est étonnante. On le mesure aujourd’hui, mais les contes le racontaient déjà ! Ces histoires millénaires racontent ce qui nous semble évident aujourd’hui : il est dans l’évidence pour tous qu’il y a des courants créateurs extrêmement puissants qui nous embarquent et dans lesquels on est appelé à participer. C’est ça, la synchronicité.

Et la synchronicité est bonne. Il n’y a pas de courant créateur négatif, mauvais. Pourtant, beaucoup de gens doutent : il y a la guerre, il y a la famine, il y a la maladie…

Jean Pascal Debailleul : Absolument, oui, mais tout ça fait partie de l’ensemble, ça fait partie des énergies. S’il n’y avait pas de négativité, il n’y aurait pas de positivité. La négativité est le miroir et le stimulant de la positivité. La positivité, c’est l’infini. Il faut voir le positif, non pas comme le bien par rapport au mal, non ! La positivité, c’est l’infinitude des ressources, l’infinitude de la Vie, l’infini de la Totalité. Toutes les réponses aux interrogations de notre monde moderne sont déjà là, dans la Totalité. Mais rester dans l’étroitesse de paradigmes résolutoires limités fait perdre du temps pour rejoindre les réponses. D’ailleurs, beaucoup de contes montrent le combat du héros avec le diable, comment le héros, par l’infini de lui-même, peut négocier avec le diable et prendre l’ascendant sur lui. Parce que le diable est un niveau de pouvoir : c’est une instance extrêmement puissante mais avec des limites. L’histoire de Job le raconte bien dans la Bible. Dieu a réuni ses serviteurs que sont les anges, dont fait partie Satan. Il y a un débat au sujet de ce « Job » qui est un sage, mais c’est facile pour lui parce qu’il est très riche, il a une grande famille, il est prospère, tout va pour le mieux en ce qui le concerne, et donc, bien sûr qu’il loue Dieu. Et le Diable demande à Dieu : « Mais si ça allait mal, est-ce qu’il te louerait toujours ? » Et Dieu lui répond : « Je te le laisse… » Et ça va être une magnifique histoire exemplaire dans laquelle Job, livré à Satan, va tout perdre et faire tout un travail, tout un cheminement évolutif jusqu’à reconnaître, au-delà du bien et du mal, son lien avec l’Être Unique. Dépouillé de tout, il continue de louer Dieu, indépendamment de tout ce qu’il a dû subir. Satan est un fragment du Tout : il n’est pas le Tout. Les anges ne sont pas le Tout. Ils sont des aspects du Tout et ont leur place dans une économie extrêmement vaste où chaque chose est à sa place. Il y a des intelligences de toutes sortes, chacune à sa place. Mais – c’est ça, la merveille de la sagesse des contes –, si le héros se tient sur la qualité infinie qui le caractérise, alors il peut circuler dans tout cet univers multiple et ne jamais être atteint parce que, par l’infini, il est semblable à l’infini du Tout. À  son infini vont être données les ressources de l’infini. En cela, il n’est jamais retenu, jamais limité, même par le pouvoir de dimensions extrêmement larges ou puissantes comme le sont les sorcières, les géants, les ogres ou le diable. Ce sont des instances extrêmement puissantes, bien plus puissantes qu’un humain ordinaire. Mais dans l’humain ordinaire, il y a un infini, il y a une qualité infinie qui, si elle est conscientisée, donne au héros les moyens de prendre l’ascendant sur ces grands pouvoirs qui, eux, sont dans leurs limites. Ils n’ont de pouvoir que celui que leur laisse leur limite. Ce sont de grandes limites, certes, mais ce sont des limites. Tandis que l’infini n’a pas de limite. Et l’infini ouvre sur l’infini des possibles.

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