Respirer ensemble

Emmanuelle Chedid-Advenier

En 2021, en pleine pandémie de Covid, paraît chez Cent Mille Milliards un beau livre d’un bleu profond et magnifiquement illustré : Respirons ensemble, d’Emmanuelle Chedid Advenier. « Parce que sans respiration, il n’y a pas de vie, en tout cas. Et, en Occident, nous ne savons absolument pas respirer » comme l’explique Emmanuelle dans cet entretien. De quoi sommes-nous donc constitués ? Comment trouver cette part invisible qui nous tient pourtant debout dans le chaos ? Écoutons Emmanuelle nous raconter comment vivre en harmonie avec un environnement que nous avons tant de mal à discerner.

Emma Chedid-Advenier

Tu t’appelles Emmanuelle Chedid Advenier. D’où viens-tu ?

J’ai grandi à Jaligny-sur-Besbre, un petit village à trente-cinq kilomètres de Vichy, dans une maison qui était un ancien couvent abandonné après avoir été dévasté à la Révolution française. Les religieux avaient été déportés, et la maison était extrêmement « habitée » : on voyait des têtes de gargouilles dans certains murs, il y avait un cimetière sous le bureau de mon père et aussi l’entrée d’un tunnel et, dans la cour, une pierre d’exposition des morts… Au milieu de la cour se tenait un marronnier extraordinaire, gigantesque, sur lequel donnait la fenêtre de ma chambre. Ce marronnier était mon meilleur ami. La nuit, quand il y avait de l’orage ou une tempête, je le voyais s’agiter, et le mouvement de ses branches était très apaisant. Cet arbre était immense, mais ses branches touchaient le sol, et on était obligé de les couper pour pouvoir passer. Il abritait des dizaines d’oiseaux et des écureuils. Je jouais avec lui. Quand il perdait ses feuilles, il y en avait un énorme tas à son pied, je me jetais dedans et je jouais avec les marrons. J’adorais cet arbre. Et puis une tempête l’a coupé en deux, je devais avoir une trentaine d’années, et ça a été un traumatisme familial.

Cette maison était une maison de famille ?

Mon père est né là. Mes parents ont fini par vendre la maison parce que personne ne pouvait la reprendre, l’endroit était assez lourd à gérer. Tout le monde habitait très loin, aussi. Mais, pour beaucoup de ses descendants, ça reste un lieu d’ancrage. Mes neveux et mes nièces, qui ont passé leur enfance et une partie de leurs vacances là-bas, en ont fait un lieu de ressource pour eux : ils retournent dans le jardin, en rêve ou en pensée, quand ils en ont besoin.

Tu disais que c’était un lieu « habité »…

Oui, extrêmement habité, et pas seulement par des entités gentilles… Ce qui pouvait être assez terrifiant. Heureusement, il y avait aussi toute cette nature extraordinaire autour. C’était habité depuis des centaines d’années parce qu’on avait trouvé dans les murs des têtes de bélier orientées à l’est, c’est-à-dire tournées vers les endroits d’où venaient les invasions à l’époque. Quand tu es enfant et que tu vois ça, ça nourrit quand même pas mal ton imaginaire ! J’avais aussi beaucoup de mal à m’endormir dans cet endroit, et la présence du marronnier était vraiment importante pour moi, il était la vie. Il était dans la lumière, pas dans ces choses terrifiantes avec lesquelles il fallait négocier, surtout la nuit…

Ensuite, tu es montée à Paris ?

En fait, j’ai voulu partir… Je ne sais même pas pourquoi… Mais je sentais qu’il fallait que je parte. J’ai fait très peu d’études car je voulais travailler, être indépendante et gagner ma vie. Ce qui m’intéressait, c’était la musique. Et très vite, à 18-19 ans, j’ai commencé à travailler dans le disque.

Pourquoi la musique ?

La musique a toujours été très présente dans ma famille. Mes parents étaient tous les deux fans d’opéra et de musique classique. Je pense que c’est ce qui les a vraiment réunis. Ma grand-mère maternelle faisait du chant lyrique. Elle avait étudié avec une cantatrice très célèbre à l’époque, Ninon Vallin. Et ma grand-mère avait aussi la particularité de s’accompagner elle-même au piano, ce qui était assez rare parce qu’en général, c’est soit l’un, soit l’autre. Mon grand-père jouait de la flûte traversière. Et ils ont vraiment nourrit ma mère et ma tante de musique. Ma mère me racontait que, quand elle était petite, tous les dimanches après-midi, il y avait des opéras à la radio. Alors ils se mettaient tous dans le lit, et mon grand-père ouvrait les livrets et leur faisait suivre tout le déroulé de l’opéra. Tous les dimanches ! Mon grand-père et ma grand-mère jouaient aussi ensemble : ma mère avait comme ça des petits concerts à la maison. Ma grand-mère emmenait aussi ma mère voir les bergères en Saône-et-Loire, dans la région de Marcigny, pour transcrire les contes que les bergères racontaient. Ma mère, qui avait l’oreille absolue et écrivait la musique, transcrivait ainsi sur des partitions toutes les mélodies des chansons. Et ma grand-mère envoyait ça à un conteur qui s’appelait Henri Pourrat. Dans certains des volumes parus chez Gallimard, Henri Pourrat remercie ma grand-mère…

Et toi, tu chantais aussi ?

Ma mère jouait du piano et chantait dans une chorale et aussi à la chorale de l’église. Quand j’étais enfant, elle nous emmenait à la messe, où elle faisait la seconde voix. Donc, comme je suivais ma mère, je faisais aussi la seconde voix. Ce qui fait que, naturellement, je chante en tierce sur une mélodie, parce que c’est quelque chose que j’ai toujours pratiqué. Tu vois, c’est écrit en moi : il y a toujours eu la musique. Je me souviens qu’à l’école, je ne sais plus quel niveau après la maternelle, l’enseignante avait passé L’oiseau de feu de Stravinski, et j’ai eu un choc, mais un choc, je ne pensais pas qu’on pouvait écrire quelque chose d’aussi puissant. Quand je suis rentrée à la maison, j’ai dit à mes parents : « J’ai écouté quelque chose de formidable, c’est L’oiseau de feu, de Stravinski ! » Ils sont aussitôt allés dans la discothèque et m’ont sorti le disque. Donc, voilà, j’ai pu écouter ça quand j’étais petite.

Et tu as aussi pratiqué un instrument ?

J’ai eu la chance d’être passée à travers. Je devais avoir sept ans quand ma mère m’a emmenée chez une prof de piano qui a pris mes doigts et les a tapés sur le piano en disant : « Les petits marteaux, les petits marteaux ! » Je n’ai jamais voulu y retourner. J’imagine que c’est ce qui a fait que je suis passée à travers l’enseignement classique, et je pense que ça m’a finalement donné une grande liberté. Sinon, il y aurait eu un enfermement possible. Je suis restée dans ma liberté et, des années plus tard, j’ai pu travailler les gammes indiennes, faire d’autres choses…

Oui, tu as travaillé dans la musique, et tu as donc découvert l’Inde…

Alors l’Inde, je l’ai découverte à travers le livre d’Alain Daniélou, Mythes et dieux de l’Inde. Je devais avoir une vingtaine d’années. Je me souviens, j’étais dans la librairie La Hune, à Paris, et j’étais attirée par ce livre. Il y avait Bébé Krishna sur la couverture. Et ce livre, vraiment, il m’a appelée : quand tu entres comme ça dans une librairie, tu sais que tu ne sais pas ce que tu vas prendre, mais tu as des livres qui t’appellent. Celui-là, il m’a appelée, et je l’ai encore aujourd’hui, alors que je n’ai jamais lu que le début du livre… Ça m’a suffi. Parce qu’il explique la nature de l’Absolu. L’Absolu n’est pas définissable. C’est-à-dire que les Indiens le définissent par la négative : « neti…neti…neti… », c’est du sanskrit qui signifie « ce n’est pas ceci, ce n’est pas cela », parce qu’il n’existe pas de définition affirmative de l’Absolu. En revanche, de l’Absolu, où tout est en équilibre c’est-à-dire un état « Sat Cit Ananda », de pure Essence, Conscience et Béatitude, naît un déséquilibre entre plusieurs forces. Il y a la force de déflagration et de désintégration, la force du chaos à laquelle les Indiens ont donné le nom de Shiva, et la force de concentration, de densité, de préservation à laquelle ils ont donné le nom de Vishnou. Et, comme ces deux forces sont opposées, rien ne peut être maintenu, rien ne peut être créé. Il y a donc une force orbitante et activante qui va tenir ces deux énergies à distance et créer l’espace. À cette force, les Indiens ont donné le nom de Brahma. En Inde, il y a donc la Trinité Shiva, Vishnou, Brahma. Sachant qu’avec Shiva, le chaos, il y a aussi Damaru, le tambour, qui fractionne le temps, qui va compter…

L’espace et le temps sont créés par ces trois forces…

Oui, et ces trois énergies constituent tout le monde manifesté sur les plans grossiers et subtils. Cela signifie que le chaos n’est pas extérieur à nous : il est intérieur à nous. Surtout, on est sur une trinité, pas sur une dualité. Quand j’étais enfant, ma tante m’enseignait pour mon éducation religieuse que nous étions dans une dualité : il y avait le Bien et le Mal. C’était soit l’un, soit l’autre. Et, en fait, j’étais toujours en train d’essayer de lutter contre le diable pour me rapprocher de Dieu. Alors qu’ici, tu es dans une trinité qui constitue tout, dont tu es aussi constitué dans toutes tes dimensions : tu es fait de cette trinité… Avant, je ne pouvais pas respirer, et heureusement que j’ai rencontré ça ! C’est impossible de vivre toujours en lutte et non dans l’acceptation. Or c’est de l’acceptation que peut naître l’équilibre.

C’est plus dynamique et positif…

Ça m’a sauvée. Oui, vraiment. À l’époque, Je travaillais dans le disque et j’écoutais Radio Nova, et je les avais appelés parce qu’ils ne donnaient jamais les titres qu’ils passaient : là, c’était un titre indien, une femme qui s’appelait Nadjma, et voilà, ça a été une révélation… Il y avait déjà eu les Beatles avec le sitar de Ravi Shankar quand j’étais adolescente. De toute façon, j’avais une ouverture aux musiques du monde depuis l’enfance : ma mère écoutait Mahalia Jackson et Amalia Rodriguez, mon frère avait ramené Le Mystère des voix bulgares, dont je me suis occupée plus tard… Tout ça faisait partie de notre vie, il n’y avait pas que la musique classique, pas que Gainsbourg, pas que les Beatles, pas que Brel, enfin, il y avait beaucoup, beaucoup d’autres musiques. Heureusement.

En Inde, tu as découvert le yoga.

Alors oui, j’ai découvert le yoga, j’avais entre 30 et 40 ans. J’avais découvert le bharata natyam, qui est une danse classique de l’Inde dédiée à Shiva. C’est une danse extrêmement puissante. Pour moi, c’est la plus belle danse du monde. Je l’ai pratiquée pendant quatre ans. J’ai dû m’arrêter parce que j’avais eu un problème aux pieds, je ne pouvais plus danser, et ça a été un deuil terrible. J’ai essayé de prendre des cours de kathak, une danse du nord de l’Inde. Mais ça n’avait rien à voir, il n’y avait pas du tout la même énergie. Le bharata natyam, pour moi, c’est comme quand je faisais des études de yoga et entendais parler sanskrit : ça me bouleverse profondément, la première fois que j’ai entendu parler sanscrit, j’avais les larmes aux yeux, comme si ça me ramenait à quelque chose de très heureux que je connais de tout temps. Il y a quelques années, j’étais à Jodhpur et visitais la ville bleue. À un moment donné, je me suis écartée du chemin et suis allée dans une impasse. Il y avait une femme en train de balayer un perron, je suis montée juste au dessus et j’ai alors eu la sensation d’avoir véritablement vécu dans cet endroit. Et c’était bouleversant parce que j’ai su que cette vie-là avait été très heureuse, très riche. Après, revenir ici est toujours difficile. Là-bas, il y a quelque chose qui est tellement plus ouvert, tellement plus vaste… Tous les Indiens ont un lien au monde spirituel. On parle des religions en Inde, mais en réalité les Indiens sont spirituels. Quand on va au temple de Madurai, les femmes sont assises par terre et ont une conversation avec le divin, avec le sacré. Elles n’ont pas besoin d’intermédiaire. C’est palpable. En Occident, surtout dans les villes, on vit sur le plan uniquement physique. Alors que là-bas, tous les espaces subtils, c’est-à-dire toutes les enveloppes, sont ouverts. On le ressent, enfin moi, je le ressens. Il y a une possibilité pour l’être d’être déployé. Alors qu’ici on vit sur un seul plan, et c’est très difficile de vivre sur un seul plan.

C’est vrai qu’on étouffe, en Occident…

Je suis venue à Paris au mois de mars. Et comme je m’embête à Paris, j’avais décidé de donner des soins. Pour me ressourcer dans la nature, après les soins, je suis allée au jardin du Luxembourg et j’ai enlacé un hêtre que j’adore. J’ai toujours aimé ce hêtre, il est magnifique. Soudain, j’ai entendu derrière moi : « Madame, reculez de trois pas ! » Comme si j’allais braquer une banque ! Et le gardien me dit : « Vous n’avez pas le droit de toucher les arbres. » On n’a pas le droit de toucher les arbres au jardin du Luxembourg… Comment peut-on être tellement coupé du vivant pour dire ça ? Pour ne pas se rendre compte que l’arbre est un être à part entière comme toi et qu’il y a une relation possible. En fait, on est d’une pauvreté en Occident ! Mais, mon Dieu, qu’est ce qu’on est pauvre ! On a complètement perdu le lien avec la vie ! Heureusement, je vis à la campagne… À Paris, je ne pourrais plus.

Et le yoga est donc un passage par le corps pour atteindre un autre état de conscience…

Il y a d’autres formes de yoga que j’ai pratiquées avec André Riehl. Ce monsieur exceptionnel transmet un enseignement de Chandra Swâmi qui est une pratique de nidra, c’est-à-dire du sommeil conscient. Le nidra t’amène à un état… comment le décrire… où tu peux être tout et rien, où tu peux sentir que ton cœur s’arrête et que tu ne respires plus mais que tu es toujours là… La pratique que j’ai eue avec lui qui m’a le plus marquée, c’était sur la mort : j’ai senti que ce passage entre la vie ici et la mort, qui est un autre état, cette sortie-là, je l’avais déjà faite des milliers de fois et que je rentrais à chaque fois dans ma véritable demeure. Le mourir était quelque chose que j’avais en moi. Comme mon âme, ou je ne sais pas comment l’exprimer… En tout cas, quelqu’un en moi avait vécu ça des millions de fois : j’étais sortie d’un corps et j’étais rentrée dans ma véritable demeure. Eh bien ça, ça permet quand même de déverrouiller la clé de la porte de la mort, de cette peur viscérale de mourir qu’on a. Viscérale, car vraiment écrite dans nos tripes. Comme pour mes retours d’Inde, c’est difficile d’en revenir parce qu’on quitte quelque chose de tellement plus absolu… Les gens qui ont eu une expérience de mort imminente ressentent aussi ça : quand tu reviens de là-bas, c’est quand même moins savoureux ici ! Tu n’as plus cet Absolu.

Il faut se réadapter…

Tu reviens à une relativité. C’est très difficile d’accepter l’incarnation, qui n’est pas toujours évidente. Quand j’étais enfant, j’étais dans la salle de bain, je me souviens très clairement, tout s’est déformé, le sol s’est détaché, et je suis passée sur un autre plan… Comment dire… Je n’étais pas réelle, et rien de ce monde n’était réel : j’étais le fruit du rêve d’un être plus vaste que moi. C’était très clair. Après, enfant, je doutais de ma réalité et de celle du monde. Un jour, mon père nous a dit à table que nous étions comme des postes de télévision qui recevaient des choses qui étaient au-delà de nous, qui venaient d’un autre espace. Heureusement qu’il a dit ça ! Ça m’a permis de vivre.

Ton père était agriculteur…

Mon père était agriculteur et expert agricole. Il avait étudié une année les civilisations orientales avec Georges Dumézil. Il insistait toujours sur la trinité, sur le fait qu’on était ternaire. Mais, enfant, je ne comprenais pas ce que ça voulait dire.

Finalement, c’est venu plus tard ! Avec le yoga…

Je pense que ce que m’a donné le yoga, c’est l’écoute. L’écoute et l’attention. Je vais te donner un exemple très précis. Nous avons rencontré complètement par hasard des gens que nous connaissons et nous allons boire un truc ensemble. Une des personnes est hautboïste à l’opéra de Marseille et raconte qu’il ne travaille pas parce qu’il n’arrive plus à respirer, il a des problèmes. Il est suivi par deux médecins spécialistes qui ne savent pas vraiment ce qu’il a et l’ont donc mis sous cortisone. Et lui nous raconte qu’il avait passé son été en Arménie et avait trouvé ce pays fantastique, etc. En réalité, alors qu’il nous parle, moi, j’entends autre chose… Comme s’il y a autre chose… Comme si une autre porte s’ouvre sur un autre espace : là, un chant vient à moi pour cette personne. Alors je le lui dis. « Voilà, il y a un chant pour toi. Est-ce que tu le prends ? Parce que je ne peux pas le garder, il faut que je l’exprime parce que sinon c’est comme si je vais étouffer tellement il est en moi… » Je l’ai emmené à part, et le chant est venu pour lui : mes mains se placent à des endroits, même très loin de lui, et je chante. Et la puissance qui jaillit alors de moi, je n’en reviens pas ! Je ne chante pas comme ça dans la vie ! Des sons sont sortis de moi, je ne sais pas comment je les ai faits… Un jour, il m’est arrivé de chanter du didgeridoo, un chant aborigène : tu me demanderais d’en chanter, je ne saurais pas le faire… J’étais presque à trois ou quatre mètres de lui quand, soudain, au bout de je ne sais pas combien de temps puisque tout ça est hors de l’espace-temps, je l’entends prendre une immense inspiration, immense… Et c’était fini : il respirait, il pouvait jouer à nouveau du hautbois. Je pense qu’il avait chopé en Arménie quelque chose qui pesait sur lui, qui l’étouffait, et la cortisone ne servait à rien. Cet exemple pour te dire que ce sont des choses qui me sont envoyées, dont je n’ai absolument pas la maîtrise, mais que je suis au service de ça. Voilà. Maintenant, je donne des soins et travaille avec des pierres, avec des plantes, et je suis guidée. J’entends clairement ce que je dois faire et, parfois, j’hésite à le faire. Une fois, je me souviens, j’entendais que je devais mettre un petit cristal de roche sur le front d’une personne et je n’osais pas le faire. J’entendais pourtant qu’il fallait que je le fasse… À la troisième fois, je me suis dit : « Bon, ben, ok, je le fais… » À la fin du soin, la personne m’a dit que, quand j’avais placé la pierre sur son front, elle avait reçu une lumière colossale et qu’elle s’était sentie dans un bien-être immense… Ça t’apprend à vraiment faire confiance à ce qui est plus vaste que toi, dans une dimension d’amour, et pas de pouvoir…

Pour revenir à la respiration, tu as écrit Respirons ensemble.

Parce que sans respiration, il n’y a pas de vie, en tout cas. Et, en Occident, nous ne savons absolument pas respirer. Or, la respiration est essentielle. Déjà, on assure le plan physique, on se sent beaucoup mieux, c’est grâce à la respiration que notre immunité va pouvoir se développer. Ce livre, je l’ai écrit après le Covid, parce qu’on a tellement voulu masquer les gens qui ne pouvaient plus respirer alors qu’ils ne savaient même pas respirer correctement… Je ne voyais pas comment on pouvait être en bonne santé en respirant à travers un masque. Mais ce moteur du livre existait déjà avant, bien sûr. Au moment du Covid, j’ai pensé à tous les gens que je connaissais, notamment les musiciens et les techniciens qui sont toujours sur la route et vivent dans des petits appartements et qui se sont soudain retrouvés enfermés dans une boîte. Il y a de quoi devenir fou. Alors j’ai proposé des ateliers gratuits de respiration par Zoom. L’idée, c’était de respirer ensemble, de transmettre aux gens des clés sur leur respiration, de leur apprendre à respirer pour qu’ils trouvent grâce à ça une paix et deviennent autonomes. Après, je suis passée à l’étape suivante : écrire un livre pour expliquer ce qu’est la respiration pour donner à tous un mode d’emploi.

Tu as fait des dessins pour ce livre aussi…

Oui, je dessine aussi. Quand il faut, et je fais ce qu’il faut. Dans la vie, je fais ce qu’il faut. On essaie toujours de mettre les gens dans les cases, mais je n’en ai pas, je suis un être vivant, un être humain, et autre chose aussi : je suis l’expression d’une dimension beaucoup plus vaste, comme nous le sommes tous, nous sommes tous l’expression d’une dimension colossale. Un jour, je peignais dans le jardin, et tout à coup, en me relevant, tout le paysage devant moi a été animé par une force d’amour et de chants. Tout le vivant autour de moi chantait et était rempli d’amour, c’était très vibrant. Il s’avère que ma mère est partie cette année en avril. Dans sa vie, elle avait planté plus d’une centaine de rosiers. Six mois plus tôt, en octobre, quelque chose m’avait poussée à planter des rosiers à la maison à l’endroit où j’avais eu cette ouverture de conscience. Et je me suis mise à communiquer avec les plantes : une plante qui veut être mise en terre ici, elle ne veut pas l’être là, elle a des besoins, et moi j’entends ses besoins. Par exemple, j’ai planté un cèdre et, quand je dois l’arroser, je sais combien d’arrosoirs je dois verser à son pied. C’est une dimension où tout communique… Tous les êtres qui nous ont précédés, tous les peuples premiers et tous les peuples qui sont encore là, les Aborigènes, les Cheyennes, les Indiens des plaines, les Inuits… tous ont cette communication avec le vivant. L’Occident, lui, a complètement perdu ça. Quand il est face à ça, il préfère le détruire ou dire que ça n’existe pas. Mais nous sommes tous des êtres vivants avec tout le vivant autour ! Nous ne sommes pas différents d’une fleur, d’un arbre, d’un oiseau : nous appartenons à la Terre. Nous sommes l’expression de la Terre et de ses habitants. Et ça, c’est quelque chose qui est vraiment à redécouvrir, à nourrir. Un arbre n’est pas un objet, c’est un être comme nous, qui a aussi une façon de s’exprimer qui est autre. Ce que je souhaite, moi, c’est que tous les êtres humains sur Terre rencontrent cette dimension en eux qui les ouvre au vivant. Elle est en nous, pas à l’extérieur de nous : le vivant est aussi en nous. Parce que, quand on retrouve ce lien, on retrouve une dimension d’amour. Le meilleur de moi-même, je le donne au rosier aujourd’hui dans cette communication silencieuse qui passe par le cœur, pas par la tête. On cherche toujours avec la tête, mais c’est par le cœur que ça passe.

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