#médecin

23/03/2023

Jacques Fabrizi

,

Dessine-moi un médecin… 


Un soir, exténué par une harassante journée de travail, je me suis endormi. Au lever du jour, imaginez ma surprise, quand une drôle de petite voix m’a réveillé. Elle disait :

— S’il vous plaît… dessine-moi un médecin  !

— Dessine-moi un médecin…

J’ai sauté sur mes pieds comme si j’avais été frappé par la foudre. J’ai bien frotté mes yeux. J’ai bien regardé. Et j’ai vu un petit bonhomme tout à fait extraordinaire qui me considérait gravement. 


Je regardai cette apparition avec des yeux tout ronds d’étonnement. N’oubliez pas que je me trouvais dans un désert médical. Or mon petit bonhomme ne me semblait ni égaré, ni mort de fatigue, ni mort de faim, ni mort de soif, ni mort de peur. Il n’avait en rien l’apparence d’un enfant perdu au milieu de cette contrée désertée par la gent médicale. Quand je réussis enfin à parler, je lui dis :

— Mais… qu’est-ce que tu fais là  ?

Et il me répéta alors, tout doucement, comme une chose très sérieuse :

— S’il vous plaît… dessine-moi un médecin…

Quand le mystère est trop impressionnant, on n’ose pas désobéir. Aussi absurde que cela me semblât, je sortis de ma poche une feuille de papier et un stylographe. Mais je me rappelai alors que j’avais surtout étudié la médecine, les soins palliatifs et la psycho-oncologie et je dis au petit bonhomme (avec un peu de mauvaise humeur) que je ne savais pas dessiner. Il me répondit :

— Ça ne fait rien. Dessine-moi un médecin.

Alors j’ai dessiné.

Il regarda attentivement, puis :

— Non ! Celui-là est déjà en burn-out. Fais-en un autre.

Je dessinai :

Mon ami sourit gentiment, avec indulgence :

— Tu vois bien… ce n’est pas un médecin, c’est un infirmier en pratique avancée…

Je refis donc encore mon dessin :

Mais il fut refusé, comme les précédents :

— Celui-là est trop vieux, il est déjà à la retraite. Je veux un médecin qui vive longtemps.

Alors, faute de patience, comme j’avais hâte de vaquer à mes occupations, je griffonnai ce dessin-ci.

Et je lançai :


— Ça, c’est la cabine de téléconsultations. Le médecin que tu veux est virtuellement dedans.

Mais je fus bien surpris de voir s’assombrir le visage de mon jeune juge :

— Ce n’est pas tout à fait comme ça que je le voulais ! Crois-tu qu’il puisse soigner beaucoup de patients  ?

— Pourquoi  ?

— Parce que nombreux sont ceux qui n’ont plus de médecin traitant…

— Ça suffira sûrement. Je t’ai donné un médecin.

Il pencha la tête vers le dessin, dubitatif…

I’m a poor lonesome doctor…


Plagiat du texte de Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, Éditions Gallimard Jeunesse.

Dessine-moi un médecin… 


Un soir, exténué par une harassante journée de travail, je me suis endormi. Au lever du jour, imaginez ma surprise, quand une drôle de petite voix m’a réveillé. Elle disait :

— S’il vous plaît… dessine-moi un médecin  !

— Dessine-moi un médecin…

J’ai sauté sur mes pieds comme si j’avais été frappé par la foudre. J’ai bien frotté mes yeux. J’ai bien regardé. Et j’ai vu un petit bonhomme tout à fait extraordinaire qui me considérait gravement. 


Je regardai cette apparition avec des yeux tout ronds d’étonnement. N’oubliez pas que je me trouvais dans un désert médical. Or mon petit bonhomme ne me semblait ni égaré, ni mort de fatigue, ni mort de faim, ni mort de soif, ni mort de peur. Il n’avait en rien l’apparence d’un enfant perdu au milieu de cette contrée désertée par la gent médicale. Quand je réussis enfin à parler, je lui dis :

— Mais… qu’est-ce que tu fais là  ?

Et il me répéta alors, tout doucement, comme une chose très sérieuse :

— S’il vous plaît… dessine-moi un médecin…

Quand le mystère est trop impressionnant, on n’ose pas désobéir. Aussi absurde que cela me semblât, je sortis de ma poche une feuille de papier et un stylographe. Mais je me rappelai alors que j’avais surtout étudié la médecine, les soins palliatifs et la psycho-oncologie et je dis au petit bonhomme (avec un peu de mauvaise humeur) que je ne savais pas dessiner. Il me répondit :

— Ça ne fait rien. Dessine-moi un médecin.

Alors j’ai dessiné.

Il regarda attentivement, puis :

— Non ! Celui-là est déjà en burn-out. Fais-en un autre.

Je dessinai :

Mon ami sourit gentiment, avec indulgence :

— Tu vois bien… ce n’est pas un médecin, c’est un infirmier en pratique avancée…

Je refis donc encore mon dessin :

Mais il fut refusé, comme les précédents :

— Celui-là est trop vieux, il est déjà à la retraite. Je veux un médecin qui vive longtemps.

Alors, faute de patience, comme j’avais hâte de vaquer à mes occupations, je griffonnai ce dessin-ci.

Et je lançai :


— Ça, c’est la cabine de téléconsultations. Le médecin que tu veux est virtuellement dedans.

Mais je fus bien surpris de voir s’assombrir le visage de mon jeune juge :

— Ce n’est pas tout à fait comme ça que je le voulais ! Crois-tu qu’il puisse soigner beaucoup de patients  ?

— Pourquoi  ?

— Parce que nombreux sont ceux qui n’ont plus de médecin traitant…

— Ça suffira sûrement. Je t’ai donné un médecin.

Il pencha la tête vers le dessin, dubitatif…

I’m a poor lonesome doctor…


Plagiat du texte de Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, Éditions Gallimard Jeunesse.
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