#pipeau

26/09/2022

Jacques Fabrizi

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Petite flûte à bec.
Petit instrument à anche battante simple, utilisé pour attirer les oiseaux en imitant leur cri.
« C’est du pipeau, ce n’est pas sérieux, c’est inefficace. »*

Avec la rentrée, le vent des réformes souffle de toute part à l’exemple des vents d’automne. Après le climat, une nouvelle convention citoyenne sur la fin de vie, sans oublier la réforme des retraites, véritable serpent de mer, pour ne citer que les plus marquantes. Que penser de cette soudaine agitation ? Quelle signification accorder à une telle précipitation ? Faut-il y voir l’affirmation d’une volonté présidentielle qui, après les résultats décevants des dernières élections, cherche à laisser une trace dans l’histoire ou alors un simple écran de fumée pour caresser l’opinion publique dans le sens du poil ?

« Y avait-il opportunité et urgence à faire aujourd’hui de l’euthanasie l’objet d’un débat, au moment où tant d’autres enjeux décisifs imposent leur agenda dans un contexte d’incertitude et de fragilisation de notre démocratie ? Est-ce ainsi que nous pourrons nous rassembler et nous renforcer pour raviver les principes du vivre-ensemble, notre bien commun et refonder notre République ? » s’interroge Emmanuel Hirsch dans une tribune publiée dans Le Monde le 13 septembre 2022. Les questions d’un nouveau cadre législatif de la fin de vie sont légion. « Faut-il désormais légaliser l’euthanasie – l’acte de mort sous forme d’injection létale exécuté par un médecin – et estimer que nous serons alors parvenus au terme d’un parcours législatif ? Notre confrontation personnelle à la mort sera-t-elle enfin apaisée et digne des valeurs de notre démocratie ? Pourrons-nous affirmer que nous aurons instauré une méthode du “bien mourir” là où les conditions du “mal mourir” hantaient notre conscience collective, sans avoir la lucidité de reconnaître que, face à la maladie grave ou à un handicap qui altère l’autonomie, c’est le sentiment de “mort sociale” qui incite bien souvent à préférer anticiper la mort plutôt qu’à poursuivre une vie ou une survie indigne d’être vécue ? »**

On laissera chacun juger de la pertinence de ces questions et surtout de leurs éventuelles réponses, « alors que nos concitoyens sont confrontés à des angoisses autrement plus concrètes que cette éternelle question de société. Mais on s’interrogera davantage sur l’opportunité d’une nouvelle loi sur la fin de vie, six ans à peine après le vote de la loi Claeys-Leonetti. 1999, 2002, 2010, 2016… » se demande le juriste Laurent Frémont, fondateur du collectif « Tenir ta main », dans une tribune au Monde publiée le 5 septembre 2022.***

Dans un même ordre d’idées, alors que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a entrouvert la possibilité d’une évolution législative sur la fin de vie, les évêques français exhortent, également dans Le Monde le 16 septembre 2022, à renforcer les soins palliatifs et à honorer chaque vie humaine.**** Car, si les soins palliatifs représentent un progrès inouï, ils ne sont malheureusement pas accessibles à tous ceux qui en relèveraient. Ainsi, moins d’un tiers des patients, qui en auraient besoin, en bénéficient. Il s’agit là d’une injustice flagrante due à « des plans de développement parfois trop timides, à une situation médicale et hospitalière tendue, ainsi qu’à une pyramide des âges qui renforce les difficultés. »***** Une répartition non harmonieuse au niveau de certains territoires aggrave ces complexités d’accès aux soins à tel point que la priorité, selon le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) lui-même, serait de faire disparaître ces « déserts palliatifs ».

Enfin, jeudi 22 septembre 2022, quelle ne fut pas ma surprise d’entendre, dans l’émission de France inter « L’invité de 8h20 : le grand entretien », Bruno Retailleau commenter la décision d’Emmanuel Macron de recourir à une large consultation sur la fin de vie à partir du mois d’octobre, en vue d’un possible nouveau « cadre légal » d’ici la fin 2023. « Actuellement, c’est la loi Claeys-Leonetti qui encadre la fin de vie en France. Je considère que cette convention, c’est du pipeau, a-t-il lâché. Emmanuel Macron a dit “cette réforme, nous la ferons”. Mais je ne suis pas favorable » a poursuivi l’élu  Les républicains. Il a dénoncé « une bougeotte législative », « on a voté une loi à la quasi-unanimité il y a moins de dix ans ». « En franchissant cette barrière de la capacité de donner la mort, on abandonne un certain nombre de patients qui vont se dire “je suis une charge pour ma famille, mon entourage, je ferai peut-être bien de choisir de partir”. Ce qui va se jouer est grave. C’est un sujet de civilisation. Il faut trouver les moyens de soulager la souffrance. »******

Le pipeau est un instrument à vent associé au leurre et à la ruse. Je ne sais pas si Bruno Retailleau en employant l’expression « c’est du pipeau » avait en tête La Flûte Enchantée, l’opéra de Wolfgang Amadeus Mozart et son personnage Papageno, oiseleur soufflant sa flûte de Pan ? Troublante coïncidence ! En effet, comment ne pas penser à « l’effet Papageno » et au programme éponyme qui œuvre à prévenir la contagion suicidaire ?

I’m a poor lonesome doctor…

 

* www.larousse.fr/dictionnaires/francais/pipeau/61063#locution
** www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/13/fin-de-vie-legiferer-sur-l-euthanasie-n-est-pas-une-urgence-politique_6141344_3232.html
*** www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/05/fin-de-vie-si-on-appliquait-la-loi-avant-de-chercher-a-la-modifier_6140289_3232.html
**** www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/16/conference-des-eveques-de-france-l-attente-la-plus-profonde-de-tous-n-est-elle-pas-l-aide-active-a-vivre-plutot-que-l-aide-active-a-mourir_6141960_3232.html?random=505796852
***** sfap.org/actualite/communique-de-presse-14-mars-2022
****** www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-22-septembre-2022

Petite flûte à bec.
Petit instrument à anche battante simple, utilisé pour attirer les oiseaux en imitant leur cri.
« C’est du pipeau, ce n’est pas sérieux, c’est inefficace. »*

Avec la rentrée, le vent des réformes souffle de toute part à l’exemple des vents d’automne. Après le climat, une nouvelle convention citoyenne sur la fin de vie, sans oublier la réforme des retraites, véritable serpent de mer, pour ne citer que les plus marquantes. Que penser de cette soudaine agitation ? Quelle signification accorder à une telle précipitation ? Faut-il y voir l’affirmation d’une volonté présidentielle qui, après les résultats décevants des dernières élections, cherche à laisser une trace dans l’histoire ou alors un simple écran de fumée pour caresser l’opinion publique dans le sens du poil ?

« Y avait-il opportunité et urgence à faire aujourd’hui de l’euthanasie l’objet d’un débat, au moment où tant d’autres enjeux décisifs imposent leur agenda dans un contexte d’incertitude et de fragilisation de notre démocratie ? Est-ce ainsi que nous pourrons nous rassembler et nous renforcer pour raviver les principes du vivre-ensemble, notre bien commun et refonder notre République ? » s’interroge Emmanuel Hirsch dans une tribune publiée dans Le Monde le 13 septembre 2022. Les questions d’un nouveau cadre législatif de la fin de vie sont légion. « Faut-il désormais légaliser l’euthanasie – l’acte de mort sous forme d’injection létale exécuté par un médecin – et estimer que nous serons alors parvenus au terme d’un parcours législatif ? Notre confrontation personnelle à la mort sera-t-elle enfin apaisée et digne des valeurs de notre démocratie ? Pourrons-nous affirmer que nous aurons instauré une méthode du “bien mourir” là où les conditions du “mal mourir” hantaient notre conscience collective, sans avoir la lucidité de reconnaître que, face à la maladie grave ou à un handicap qui altère l’autonomie, c’est le sentiment de “mort sociale” qui incite bien souvent à préférer anticiper la mort plutôt qu’à poursuivre une vie ou une survie indigne d’être vécue ? »**

On laissera chacun juger de la pertinence de ces questions et surtout de leurs éventuelles réponses, « alors que nos concitoyens sont confrontés à des angoisses autrement plus concrètes que cette éternelle question de société. Mais on s’interrogera davantage sur l’opportunité d’une nouvelle loi sur la fin de vie, six ans à peine après le vote de la loi Claeys-Leonetti. 1999, 2002, 2010, 2016… » se demande le juriste Laurent Frémont, fondateur du collectif « Tenir ta main », dans une tribune au Monde publiée le 5 septembre 2022.***

Dans un même ordre d’idées, alors que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a entrouvert la possibilité d’une évolution législative sur la fin de vie, les évêques français exhortent, également dans Le Monde le 16 septembre 2022, à renforcer les soins palliatifs et à honorer chaque vie humaine.**** Car, si les soins palliatifs représentent un progrès inouï, ils ne sont malheureusement pas accessibles à tous ceux qui en relèveraient. Ainsi, moins d’un tiers des patients, qui en auraient besoin, en bénéficient. Il s’agit là d’une injustice flagrante due à « des plans de développement parfois trop timides, à une situation médicale et hospitalière tendue, ainsi qu’à une pyramide des âges qui renforce les difficultés. »***** Une répartition non harmonieuse au niveau de certains territoires aggrave ces complexités d’accès aux soins à tel point que la priorité, selon le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) lui-même, serait de faire disparaître ces « déserts palliatifs ».

Enfin, jeudi 22 septembre 2022, quelle ne fut pas ma surprise d’entendre, dans l’émission de France inter « L’invité de 8h20 : le grand entretien », Bruno Retailleau commenter la décision d’Emmanuel Macron de recourir à une large consultation sur la fin de vie à partir du mois d’octobre, en vue d’un possible nouveau « cadre légal » d’ici la fin 2023. « Actuellement, c’est la loi Claeys-Leonetti qui encadre la fin de vie en France. Je considère que cette convention, c’est du pipeau, a-t-il lâché. Emmanuel Macron a dit “cette réforme, nous la ferons”. Mais je ne suis pas favorable » a poursuivi l’élu  Les républicains. Il a dénoncé « une bougeotte législative », « on a voté une loi à la quasi-unanimité il y a moins de dix ans ». « En franchissant cette barrière de la capacité de donner la mort, on abandonne un certain nombre de patients qui vont se dire “je suis une charge pour ma famille, mon entourage, je ferai peut-être bien de choisir de partir”. Ce qui va se jouer est grave. C’est un sujet de civilisation. Il faut trouver les moyens de soulager la souffrance. »******

Le pipeau est un instrument à vent associé au leurre et à la ruse. Je ne sais pas si Bruno Retailleau en employant l’expression « c’est du pipeau » avait en tête La Flûte Enchantée, l’opéra de Wolfgang Amadeus Mozart et son personnage Papageno, oiseleur soufflant sa flûte de Pan ? Troublante coïncidence ! En effet, comment ne pas penser à « l’effet Papageno » et au programme éponyme qui œuvre à prévenir la contagion suicidaire ?

I’m a poor lonesome doctor…

 

* www.larousse.fr/dictionnaires/francais/pipeau/61063#locution
** www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/13/fin-de-vie-legiferer-sur-l-euthanasie-n-est-pas-une-urgence-politique_6141344_3232.html
*** www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/05/fin-de-vie-si-on-appliquait-la-loi-avant-de-chercher-a-la-modifier_6140289_3232.html
**** www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/16/conference-des-eveques-de-france-l-attente-la-plus-profonde-de-tous-n-est-elle-pas-l-aide-active-a-vivre-plutot-que-l-aide-active-a-mourir_6141960_3232.html?random=505796852
***** sfap.org/actualite/communique-de-presse-14-mars-2022
****** www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-22-septembre-2022

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