#lavérité

4/09/2023

Jacques Fabrizi

,

Il a dit la vérité…

Paris, le 20 juillet 2023, énarque et conseiller d’Élisabeth Borne à Matignon, l’ancien directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, Aurélien Rousseau remplace François Braun avenue de Ségur. 

Certes, François Braun n’aura pas réussi à relever les défis que lui avait confiés Emmanuel Macron, il y a un peu plus d’un an. Les mesures de sa mission flash et sa politique de régulation à l’accès aux urgences ne sont pas parvenues à résoudre la crise systémique de l’hôpital public français, loin de là. Les relations avec les médecins libéraux se sont fortement dégradées avec l’échec des négociations conventionnelles durant lesquelles il s’était montré intraitable et l’adoption de la loi Rist. Même défiance de la part des Praticiens Hospitaliers qui ont fait grève les 3 et 4 juillet 2023 pour dénoncer le manque d’attractivité de leur profession et réclamer la revalorisation des gardes de nuit et de week-end. Issu de la société civile et médecin de terrain, il cède la place à un énarque. Dans un contexte très tendu, François Braun laissera l’image d’un ministre jugé « pas assez politique ». Constat d’échec attesté par la création, en avril dernier, en partenariat avec le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye — lui aussi remercié du gouvernement — et le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, du « club des invisibles », un groupe de ministres qui ne parviennent pas à se faire connaître des Français malgré un portefeuille important.

 

 

Cependant, ce constat passe sous silence les réticences de François Braun quant à la légalisation de l’aide active à mourir souhaitée par le président de la République. Le chef de l’État n’a jamais caché sa volonté de changer le cadre législatif de la fin de vie et d’en faire la grande question éthique de son second mandat. Le 20 novembre 2022, à quelques semaines du début des travaux de la convention citoyenne sur la fin de vie, le ministre de la Santé et de la Prévention, interrogé dans l’émission Le Grand Jury diffusée sur RTL, LCI, Le Figaro, n’avait-il pas reconnu que « les soins palliatifs étaient effectivement insuffisamment développés en France » ? Au cours de cette émission, il avait affirmé « qu’il souhaitait le renforcement des soins palliatifs et qu’il ne voudrait pas qu’il y ait des décisions hâtives parce que les soins palliatifs ne remplissent pas toutes leurs fonctions ». Il avait également précisé : « Je souhaite que la parole des soignants soit entendue, et soit clairement entendue, car quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, les derniers qui sont auprès des patients à ce moment-là, ce sont les soignants. C’est à chaque fois un moment difficile. […] Ce débat [sur la fin de vie] permet [tra] de faire le point et j’ai demandé à mes services de faire le point exact sur les soins palliatifs et sur leurs développements. Je mettrai les moyens pour combler les trous dans la raquette, si je peux m’exprimer ainsi. » 

Dans un entretien au Monde, publié le 8 avril 2023, le ministre de la Santé et de la Prévention s’exprimait pour la première fois sur la fin de vie, alors que la convention citoyenne sur la fin de vie avait remis le 3 avril 2023 son rapport final en faveur de l’aide active à mourir. Sur ce sujet sensible et clivant, François Braun estimait le débat « encore ouvert » et donnait des gages aux soignants. Il avait tenu à préciser : « Mon rôle est de prendre en compte ces différents avis, dans une posture d’écoute et de respect de chacun, sans essayer de convaincre les uns ou de dissuader les autres. Je ne ferai pas de politique politicienne sur un sujet comme celui-là. Et puis, parler de fin de vie est réducteur. C’est, à chaque fois, la fin d’“une” vie, et chaque situation est différente. J’ai vu et accompagné, comme médecin urgentiste, des morts brutales, ou non, de personnes âgées, d’adultes, mais aussi d’enfants, de nourrissons… Je me souviens de chaque enfant pour lequel j’ai arrêté une réanimation. C’est une expérience toujours très dure. Et croyez-moi, ce n’est jamais la même histoire qui se répète ; on n’est jamais, en tant que soignant, confronté aux mêmes questions. La fin d’une vie reste in fine un moment très intime, intimiste, même, entre le patient, sa famille, le médecin. Ce parcours jusqu’aux derniers instants est, pour moi, le plus important. Accompagner la mort, ce n’est pas donner la mort. »*

Après avoir exprimé ses réserves, le ministre de la Santé et de la Prévention François Braun sera finalement évincé. Ce n’est pas lui qui portera le projet de loi sur l’aide active à mourir, mais la ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, confirmée à son poste dans le nouveau gouvernement d’Élisabeth Borne.

« Le monde doit s’enivrer de discours, pas de vin

Rester dans la ligne

Suivre les consignes

Le [ministre] a dit la vérité

Il doit être exécuté. »**

I’m a poor lonesome doctor…

 

______________________

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/04/08/francois-braun-accompagner-la-mort-ce-n-est-pas-donner-lamort_6168741_3224.html?random=1153423814

**  Chanson de Guy Béart, La Vérité, 1968.

Il a dit la vérité…

Paris, le 20 juillet 2023, énarque et conseiller d’Élisabeth Borne à Matignon, l’ancien directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, Aurélien Rousseau remplace François Braun avenue de Ségur. 

Certes, François Braun n’aura pas réussi à relever les défis que lui avait confiés Emmanuel Macron, il y a un peu plus d’un an. Les mesures de sa mission flash et sa politique de régulation à l’accès aux urgences ne sont pas parvenues à résoudre la crise systémique de l’hôpital public français, loin de là. Les relations avec les médecins libéraux se sont fortement dégradées avec l’échec des négociations conventionnelles durant lesquelles il s’était montré intraitable et l’adoption de la loi Rist. Même défiance de la part des Praticiens Hospitaliers qui ont fait grève les 3 et 4 juillet 2023 pour dénoncer le manque d’attractivité de leur profession et réclamer la revalorisation des gardes de nuit et de week-end. Issu de la société civile et médecin de terrain, il cède la place à un énarque. Dans un contexte très tendu, François Braun laissera l’image d’un ministre jugé « pas assez politique ». Constat d’échec attesté par la création, en avril dernier, en partenariat avec le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye — lui aussi remercié du gouvernement — et le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, du « club des invisibles », un groupe de ministres qui ne parviennent pas à se faire connaître des Français malgré un portefeuille important.

 

 

Cependant, ce constat passe sous silence les réticences de François Braun quant à la légalisation de l’aide active à mourir souhaitée par le président de la République. Le chef de l’État n’a jamais caché sa volonté de changer le cadre législatif de la fin de vie et d’en faire la grande question éthique de son second mandat. Le 20 novembre 2022, à quelques semaines du début des travaux de la convention citoyenne sur la fin de vie, le ministre de la Santé et de la Prévention, interrogé dans l’émission Le Grand Jury diffusée sur RTL, LCI, Le Figaro, n’avait-il pas reconnu que « les soins palliatifs étaient effectivement insuffisamment développés en France » ? Au cours de cette émission, il avait affirmé « qu’il souhaitait le renforcement des soins palliatifs et qu’il ne voudrait pas qu’il y ait des décisions hâtives parce que les soins palliatifs ne remplissent pas toutes leurs fonctions ». Il avait également précisé : « Je souhaite que la parole des soignants soit entendue, et soit clairement entendue, car quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, les derniers qui sont auprès des patients à ce moment-là, ce sont les soignants. C’est à chaque fois un moment difficile. […] Ce débat [sur la fin de vie] permet [tra] de faire le point et j’ai demandé à mes services de faire le point exact sur les soins palliatifs et sur leurs développements. Je mettrai les moyens pour combler les trous dans la raquette, si je peux m’exprimer ainsi. » 

Dans un entretien au Monde, publié le 8 avril 2023, le ministre de la Santé et de la Prévention s’exprimait pour la première fois sur la fin de vie, alors que la convention citoyenne sur la fin de vie avait remis le 3 avril 2023 son rapport final en faveur de l’aide active à mourir. Sur ce sujet sensible et clivant, François Braun estimait le débat « encore ouvert » et donnait des gages aux soignants. Il avait tenu à préciser : « Mon rôle est de prendre en compte ces différents avis, dans une posture d’écoute et de respect de chacun, sans essayer de convaincre les uns ou de dissuader les autres. Je ne ferai pas de politique politicienne sur un sujet comme celui-là. Et puis, parler de fin de vie est réducteur. C’est, à chaque fois, la fin d’“une” vie, et chaque situation est différente. J’ai vu et accompagné, comme médecin urgentiste, des morts brutales, ou non, de personnes âgées, d’adultes, mais aussi d’enfants, de nourrissons… Je me souviens de chaque enfant pour lequel j’ai arrêté une réanimation. C’est une expérience toujours très dure. Et croyez-moi, ce n’est jamais la même histoire qui se répète ; on n’est jamais, en tant que soignant, confronté aux mêmes questions. La fin d’une vie reste in fine un moment très intime, intimiste, même, entre le patient, sa famille, le médecin. Ce parcours jusqu’aux derniers instants est, pour moi, le plus important. Accompagner la mort, ce n’est pas donner la mort. »*

Après avoir exprimé ses réserves, le ministre de la Santé et de la Prévention François Braun sera finalement évincé. Ce n’est pas lui qui portera le projet de loi sur l’aide active à mourir, mais la ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, confirmée à son poste dans le nouveau gouvernement d’Élisabeth Borne.

« Le monde doit s’enivrer de discours, pas de vin

Rester dans la ligne

Suivre les consignes

Le [ministre] a dit la vérité

Il doit être exécuté. »**

I’m a poor lonesome doctor…

 

______________________

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/04/08/francois-braun-accompagner-la-mort-ce-n-est-pas-donner-lamort_6168741_3224.html?random=1153423814

**  Chanson de Guy Béart, La Vérité, 1968.

Nos éditos directement chez vous
Merci pour votre inscription !